No 96 – série 2025-2026
Évangile du mercredi 10 décembre 2025 – 2ème Semaine de l’Avent
« Venez à moi, vous tous qui peinez » (Mt 11, 28-30)
En ce temps-là, Jésus prit la parole :
« Venez à moi,
vous tous qui peinez sous le poids du fardeau,
et moi, je vous procurerai le repos.
Prenez sur vous mon joug,
devenez mes disciples,
car je suis doux et humble de cœur,
et vous trouverez le repos pour votre âme.
Oui, mon joug est facile à porter,
et mon fardeau, léger. »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Veuillez noter que l’équipe des méditations prendra une pause pour le temps des fêtes. La dernière méditation de 2025 sera pour le dimanche 21 décembre et nous serons de retour le lundi 5 janvier 2025. Nous vous remercions de nous avoir lu et avons hâte de vous retrouver en janvier ! Joyeux Noël et que Dieu vous accompagne ! Alice (celle qui prête sa voix aux méditations), Ange Lydie, Barbara, Colette, Halyna, Lucille, Marie-Emmanuel, Martial, Paolo, et Vincent.
Méditation – Facile et léger, l’amour
Notre propre fardeau ne nous paraît acceptable que par l’habitude de la souffrance. Plié sous le fardeau, nous courbons du côté du mal-être… en gémissant : « Ce mal-être… c’est ma routine… c’est ma douleur… alors pourquoi en changer ? » Comme un malade qui ne sent plus la puanteur de ses plaies, nous repoussons le médecin. Nous donnons foi à notre souffrance. Nous aimons notre blessure. Et, nous espérons que de notre mal sortira magiquement l’issue qu’il nous a toujours refusée.
Dans cet évangile, Jésus propose la conversion du malheur en liberté. Le « joug » est une pièce de bois qui relie deux animaux de trait pour qu’ils mettent un chariot en mouvement. Le joug qui nous attèle au Christ est léger, car, c’est le joug de la liberté : « L’Esprit du Seigneur (…) m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et (…) remettre en liberté les opprimés » (Luc 4,18-19).
Mais, sans le Christ, le joug de l’existence est bien pesant. De nombreuses âmes ne se relient qu’à leur propre détresse dans un duo morbide. Et quand la mort mène l’attelage… où le chariot se rend-t-il ? Il existe des âmes enfermées en elles-mêmes comme dans un piège. Comme le raton laveur, pris dans une trappe, se ronge une patte pour essayer de recouvrer la liberté, ces âmes se mutilent en espérant se sauver. Sous la pesanteur du malheur, elles s’effondrent sur elles-mêmes. L’âme ne croit pouvoir s’échapper qu’en se détruisant. Enfermée dans sa souffrance comme dans un donjon aux murailles de plus en plus hautes, l’âme ne perçoit du monde extérieur que ce que les meurtrières découpent dans la vie des autres.
L’écrivain Honoré de Balzac fit le récit d’une âme close qui ne vécut que pour la vengeance : La Cousine Bette est l’histoire de la vengeance que Lisbeth Fischer fomenta contre sa trop belle cousine Adeline qui incarnait à ses yeux la réussite sociale et conjugale dont elle se sentait lésée. D’abord résignée à son statut de parente pauvre recueillie par pitié, Lisbeth déploya son intelligence dans la vengeance.
« Lisbeth Fischer (…) était loin d’être belle comme sa cousine ; aussi avait-elle été prodigieusement jalouse d’Adeline. » (p.56) La famille Fischer fit le choix d’aduler la belle Adeline au détriment de Lisbeth au physique ingrat. « La famille, qui vivait en commun, avait immolé la fille vulgaire à la jolie fille, le fruit âpre à la fleur éclatante. Lisbeth travaillait à la terre, quand sa cousine était dorlotée ; aussi lui arriva-t-il un jour, trouvant Adeline seule, de vouloir lui arracher le nez, un vrai nez grec que les vieilles femmes admiraient. Quoique battue pour ce méfait, elle n’en continua pas moins à déchirer les robes de la privilégiée.» (p.57) « Douée d’une finesse devenue profonde », Lisbeth concentra en elle la haine nécessaire à sa vengeance : « Méchante, elle eût brouillé la famille la plus unie. » Lisbeth s’enivra de son propre regard : avec un « regard perçant », « elle se contenta, disait-elle en riant, de sa propre admiration.» (p.59)
Lisbeth ingurgitait goutte à goutte son indignité comme un médicament avalé par habitude. Bien que dilué dans la routine, ce toxique se répandait profondément dans toutes les cellules de son corps : « la cousine Bette, résignée à ne rien être, se laissait traiter sans façon ; elle se refusait elle-même à venir aux grands dîners, en préférant l’intimité qui lui permettait d’avoir sa valeur et d’éviter des souffrances d’amour-propre.» (p.59-60). Les contours de son âme s’effaçaient. Lisbeth se résigna à son infériorité : « Elle avait fini par comprendre la vie en se voyant à la merci de tout le monde » (p.60). Son âme distillait jusqu’à l’ivresse les injustices subies dans l’alambic des souvenirs recuits : devenue adulte, Lisbeth « était toujours l’enfant qui voulait arracher le nez de sa cousine, et qui peut-être, si elle n’était devenue raisonnable, l’aurait tuée en un paroxysme de jalousie. » (p.60) Un jour par vengeance, Lisbeth blessa cruellement sa nièce Hortense : « Quelques larmes vinrent dans les yeux d’Hortense, et Bette les lapa du regard comme une chatte boit du lait. » (p.230)
Dans ce roman, Lisbeth s’attela à la vengeance. Elle refusa la liberté qui consistait à laisser partir le mal qui mutile sa vie. Elle prit sur ses épaules le terrible joug de l’obsession. La douleur de la vengeance déchira sa vie comme les échardes d’un bois trop lourd.
Pourtant, le joug de la liberté n’est-il pas plus léger ? Devenir le disciple de Celui qui dit : « je suis doux et humble de cœur » n’est-il pas préférable aux puanteurs d’une arrogante brutalité ? Qu’est-ce que porter le joug du Christ ? Donner sa foi au maître de la Vie. Soutenir sa route par le pain de l’Amour. Engager sa vie dans l’espérance du renouveau que donne la conversion.
Bon chemin vers la naissance !
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
Note :
(1) Honoré de Balzac, La cousine Bette, (roman publié en 1846-1847), édition Folio classique n°138.
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