No 254 – série 2024-2025

Évangile du mardi 3 juin 7ème semaine de Pâques

« Père, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1-11a)

En ce temps-là,
Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, l’heure est venue.
Glorifie ton Fils
afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair,
il donnera la vie éternelle
à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle,
c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu,
et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Moi, je t’ai glorifié sur la terre
en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père,
de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom
aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner.
Ils étaient à toi, tu me les as donnés,
et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu
que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données :
ils les ont reçues,
ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi,
et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ;
ce n’est pas pour le monde que je prie,
mais pour ceux que tu m’as donnés,
car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi,
et ce qui est à toi est à moi ;
et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ;
eux, ils sont dans le monde,
et moi, je viens vers toi. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Veuillez noter que nous terminerons nos méditations ce dimanche 22 juin et que nous les reprendrons le lundi 8 septembre. Nous vous remercions de nous avoir lu durant toute cette année et nous espérons vous revoir en septembre. Bonnes vacances et que Dieu vous accompagne ! Alice (celle qui prête sa voix aux méditations), Barbara, Dany, Halyna, Laurence, Marie-Emmanuel, Martial, Michel, Paolo, Stéfan et Vincent

Méditation – Quelle gloire ?

De fausses images de Dieu couvrent nos yeux comme des écailles. Seul l’Esprit libère ! Il y a si longtemps Maître Eckhart le disait déjà : « Nous devons prier Dieu de nous délivrer de ‘’Dieu’’, afin de saisir et de jouir éternellement de la Vérité » (1) Si nous sommes honnêtes, nous reconnaissons notre besoin de Dieu. Notre être est une larve en formation en attente de métamorphose.

À la veille de la Pentecôte, revenons sur le parcours liturgique depuis le vendredi saint. Pour un monde qui valorise la réussite, la mort du Christ sur la croix est un échec. Aujourd’hui comme hier, les Grands s’enivrent de gloire. Pour eux, la vie est une course. Rien ne compte que le succès. De ce point de vue, la déchéance du crucifié est méprisable. Comme le disait Jésus aux disciples : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. » (Mt 20,25). Pour les uns, cette grandeur est mesurée par l’extension d’un Empire. Pour les autres, la grandeur prend la forme de la gloire médiatique, des exploits commerciaux et du prestige. Un fumet brutal monte des décombres et entoure leurs victoires.

Lorsque Saint Paul prêche « la parole de la croix » aux Corinthiens (1 Co 1,18), il se heurte aux Juifs et aux Grecs. Pour les Juifs, la croix n’est qu’un obstacle. En effet, les Juifs guettent des signes de force pour identifier la présence de Dieu dans des miracles grandioses. Ils cherchent un Messie qui, comme Moïse, fera plier Pharaon. Ils se souviennent de la mer rouge ouverte pour laisser passer le peuple à pieds secs. Pour les Grecs, la croix est une stupidité. Car, ils cherchent une sagesse qui ordonne les phénomènes du monde dans une compréhension rationnelle grâce à laquelle ils se hisseront jusqu’à la perfection du divin. Les Juifs comme les Grecs construisent leur vision d’un Dieu qui sauve par une grandeur que l’esprit humain comprend et s’approprie. L’homme construit ainsi sa propre réussite par rapport à Dieu. Car, selon eux, Dieu se gagne par une compétition des mérites. La quête religieuse qualifie l’homme devant Dieu. Pas à pas, les hommes grimpent les échelons qui montent vers Dieu par le mérite de l’observance pour les Juifs ou par le mérite d’une science rationnelle pour les Grecs.     

Mais, la gloire dont parle Jésus dans cet évangile ne retient rien de cette grandeur humaine aux allures de compétition. Nous avons besoin d’une conversion radicale. C’est pourquoi, la mort lamentable du crucifié disqualifie toutes nos tentatives humaines de s’approprier Dieu comme un trophée. Par la croix, Dieu ruine nos représentations de Dieu et Il brise l’élan de nos courses aux honneurs. Et, Il nous fait entrer en crise en nous contraignant à la métamorphose… Selon l’exégète Daniel Marguerat, « la parole de la croix » nous apprend deux choses. « Il y a donc, d’un côté, la révélation de Dieu à la croix, qui pulvérise l’imaginaire du Dieu fort et du Dieu raisonnable. Mais, d’un autre côté, l’Évangile veut penser l’impensable en discernant, dans ce qui se dérobe à l’attente humaine du divin, l’expression paradoxale d’une puissance et d’une sagesse. (…) L’inouï de Dieu ne peut être capté que par celui, celle qui lâche prise, qui consent à l’effondrement de son imaginaire religieux, qui accepte de convertir son regard sur Dieu, en accordant confiance à la parole, la plus déroutante sur le divin qui est été donnée à l’humanité d’entendre ». (2)

Dans l’unité de la Trinité, l’Esprit de Pentecôte fait descendre chacun vers l’Incarnation où il rencontre le Fils. Le plus concret, le plus rocailleux est le lieu de notre naissance de fils et de fille du Père. Existence humaine, terre des épreuves et des tentations où les crises salutaires déchirent nos illusions. Creuset ardent où notre gangue terreuse ne lâche son or qu’après une lutte contre le feu. L’Esprit ne nous permet pas d’échapper à notre condition humaine. Dans la résurrection, l’Esprit ne délivre pas une évasion qui donnerait accès à nos rêves de puissance. La résurrection poursuit l’oeuvre de conversion et de métamorphose : les disciples ne reconnurent pas immédiatement le ressuscité… tant l’homme nouveau spirituel renouvelle l’homme ancien. La gloire de Dieu anéantit nos ambitions de sur-pouvoirs, car il n’y a de gloire que d’aimer. La gloire est une forme de présence où rayonne l’être céleste de Dieu. Nous n’y avons pas accès spontanément, mais nous avons besoin que l’Esprit nous enseigne cette lumière inaccessible. L’Esprit redit que, dans la faiblesse du crucifié, se lève une puissance divine qui fait éclater les cadres de nos représentations. La Vie de Dieu est trop grande, trop insolite pour nos cervelles étriquées. Le tombeau est vide, la mort n’a pas le dernier mot ! L’Esprit dit la vraie toute-puissance du Père qui traverse notre faiblesse humaine. « La gloire de l’amour trinitaire, dans l’impuissance de la croix, a manifesté sa vraie toute-puissance et ne retournera plus à une forme de puissance moins haute et moins précieuse. » (3)

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Notes :

(1) Maître Eckhart, Sermon 52.

(2) Daniel Marguerat, Paul de Tarse : L’enfant terrible du christianisme,  éd. Seuil, 2023, (p.136)

(3) Balthasar, Nouvelle Alliance, (p.442).


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