No 268 – série 2024-2025

Évangile du mardi 17 juin 11ème semaine du temps ordinaire

« Aimez vos ennemis » (Mt 5, 43-48)

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Vous avez appris qu’il a été dit :
Tu aimeras ton prochain
et tu haïras ton ennemi.

Eh bien ! moi, je vous dis :
Aimez vos ennemis,
et priez pour ceux qui vous persécutent,
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ;
car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons,
il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment,
quelle récompense méritez-vous ?
Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Et si vous ne saluez que vos frères,
que faites-vous d’extraordinaire ?
Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Vous donc, vous serez parfaits
comme votre Père céleste est parfait. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Veuillez noter que nous terminerons nos méditations ce dimanche 22 juin et que nous les reprendrons le lundi 8 septembre. Nous vous remercions de nous avoir lu durant toute cette année et nous espérons vous revoir en septembre. Bonnes vacances et que Dieu vous accompagne ! Alice (celle qui prête sa voix aux méditations), Barbara, Dany, Halyna, Laurence, Marie-Emmanuel, Martial, Michel, Paolo, Stéfan et Vincent

Méditation – S’ajuster au Dieu juste

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. »  L’opposition présentée dans un style si radical est choquante ! Pourtant, n’est-ce pas le lot des groupes humains ? Considérer le prochain et reléguer le lointain, n’est-ce pas ce qui définit la « justice des hommes » ? Les sociétés édifient des Codes et construisent des tribunaux, car un système pénal leur est indispensable.

Le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud a vu le côté blessé de l’âme humaine : « L’homme est tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances. » (1) Sur le fondement de cœurs meurtris, les hommes construisent des sociétés meurtries. La maxime se vérifie : aimer les uns à condition de haïr les autres… Il est toujours possible, ajoute Freud, d’unir les hommes par les liens de l’amour à la seule condition qu’il reste d’autres hommes en dehors de ce groupe uni « pour recevoir les coups » (1). Cette force unificatrice de la blessure se vérifie dans une école, une classe s’unit contre un souffre-douleur. C’est le phénomène du harcèlement ! En géopolitique, cela se vérifie encore : la guerre renforce un Empire qui se nourrit de haine. Les ennemis de l’intérieur à traquer, les ennemis de l’extérieur à tuer sont indispensables à sa survie d’un Empire.

Telle est la cruelle vérité de l’homme pécheur. Chacun tente de prévenir la souffrance en faisant souffrir. L’accompagnement met au jour ces mécanismes blessés : « tout contrôler par le mental », « congeler sa sensibilité », « ne pas faire de vague », « faire semblant », n’est-ce pas la justice ordinaire de l’homme blessé ?

Mais… est-ce le tout de notre condition d’homme ? Tout est-il dit ? N’y a-t-il rien de plus ? Rien de plus haut ? La vérité de la blessure n’éteint pas l’aspiration à la grandeur, la soif de beauté, le désir d’aimer. Comme l’écrit Blaise Pascal : « Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme et entendez de votre Maître votre condition véritable que vous ignorez. Écoutez Dieu. » (2). Seul Dieu parle bien de l’homme. Au cœur de notre blessure, une Vie demande à croître. Une autre justice perce. N’est-ce pas ce que le Christ est venu révéler ? Un jour dans un Palais de Justice, Jésus a fait briller Sa justice divine : Il a subi l’interrogatoire de Pilate ; Il a arpenté le tribunal de Caïphe où Sa justice céleste n’a pas été reconnue. Nos aveuglements ont déposé sur la justice divine une couronne de dérision. Nous n’avons pas compris Son amour. 

En Dieu, la justice est un amour. Le Fils reçoit l’amour du Père et retourne au Père, dans l’Esprit, une gratitude permanente. Le Fils S’accueille comme le bien-aimé, Il est récepteur du don et dans ce mouvement, Se donne à son tour. Telle est la manière divine de vivre et d’aimer. C’est cette Vie céleste de l’amour que le Christ est venu accomplir sur notre terre, au milieu de nos sociétés bancales. Contrairement à nous, Dieu ne sait pas aimer partiellement, s’arrêter ici et cesser d’aimer là. À la violence des hommes contre Lui, Dieu ne répond pas avec indifférence. Il ne suspend pas Son amour. Dieu ne Se retire pas dans Son ciel. Mais, dans Son amour, Il Se laisse blesser par l’homme. En Jésus, Il donne à voir à nos yeux humains ce qu’est une justice céleste qui n’oppose pas à notre violence une violence qui irait en sens contraire pour rétablir on ne sait quel équilibre… Dans la Passion, Dieu se situe sur un autre plan que le « oeil pour oeil », lorsqu’Il tend l’autre joue aux soldats qui Le frappe. Aux soldats qui Lui retirent Son manteau, Il confie également Sa chemise. Le Fils, sur la croix, révèle ainsi qu’en ne résistant pas à la violence du monde, Il permet au Père de déployer un amour toujours « plus grand » (Jn 14,28). À nos égarements, Dieu répond en inventant, de manière inouïe, une percée de la Vie : c’est la résurrection. Ainsi, Dieu nous enseigne par l’exemple la réalité céleste de l’amour. 

« Si Dieu est l’amour, il ne peut rien haïr de ce qu’il a créé. Son amour ne se laisse pas déconcerter par la haine, l’aversion, l’indifférence de l’homme ; il fait régner sa grâce, sur les bons, et les méchants, que ces grâces apparaissent aux hommes comme le soleil, ou comme la pluie. Il tolère qu’on l’accuse, qu’on l’insulte ou qu’on le nie tout simplement ; s’il ne tolère, ce n’est pas en vertu d’une indifférence sublime, car il se laisse au plus profond toucher par l’affection ou l’aversion de l’homme. Quand un homme repousse d’une manière bien arrêtée l’amour de Dieu, ce n’est pas Dieu qui le condamne, mais l’homme se condamne lui-même, parce qu’il ne veut pas reconnaître et pratiquer ce que Dieu est, l’amour. La justice de Dieu n’est pas « œil pour œil, dent pour dent » ; au contraire, si l’homme ne dépasse pas la justice pénale terrestre (qui est nécessaire), il ne comprend pas Dieu, et donc aussi ne veut pas être auprès de Dieu. Dieu n’aimait jamais partiellement, il aime totalement, c’est le sens du mot « catholique » ». (2)

La révélation offre à l’homme spirituel une manière divine d’être juste. L’homme, qui reçoit cet amour divin comme un don gratuit, apaise sa blessure qui hurle vengeance. Peu à peu, l’être tout entier diffuse une clarté et les vieux réflexes adoucissent leur violence.  

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Notes :

(1) Sigmund FREUD, Malaise dans la civilisation, (p.56).
(2) Blaise Pascal, Pensées, (fragment 164)
(3) Von Balthasar, Lumière de la Parole, Commentaire des lectures dominicales. Année A, Septième Dimanche du temps ordinaire, éd. Lessius, 1997, p.45-46.


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