Alors que la douceur du printemps s’allie à la joie pascale, une phrase de Maurice Zundel vient m’habiter avec son zeste d’éternité : « Vivre c’est quelqu’un! » (Marie, tendresse des pauvres, 2024, p. 71).

Nous entrons dans le mois de mai, le mois de Marie qui nous a révélé avec la grâce des matins et la foi de son oui que le mystère chrétien n’est pas de subir Dieu mais bien de Le vivre. Entre la liberté de nos consentements et le renouvellement qui créé chacun de nos instants, Marie nous enseigne. Elle nous dévoile par sa maternité que le Je que je suis est un Autre, que le don que je suis est fécond, que ma pauvreté est virginale et que vivre Dieu, c’est l’enfanter. Par elle, nous sommes porteurs d’une paix qui ne nous appartient pas mais qui nous est confiée. Par le Christ à travers elle, nous sommes porteurs du Vivant qui engendre, bénit, exorcise et guérit.

J’en étais à cette prière lorsque mon petit dernier surgit à mes côtés. Me fixant avec ses yeux brillants, il affirme avec un air triomphant : « Maman, tu savais que je vis ici devant toi mais je vis aussi en toi ? » Pauvreté et surprise vont souvent de pair sur mon visage quand mon petit dernier devient surgissement spirituel en fin de journée. Attendant ce regard comme un chat guettant sa proie, il se lance dans une explication étonnante sur un phénomène bien étrange : le microchimérisme. Ce phénomène désigne l’échange de cellules entre le fœtus et la mère durant la grossesse. Les cellules du fœtus migrent, à travers le placenta, vers l’organisme de la mère et demeurent détectables jusqu’à plus de 30 ans après l’accouchement même si la grossesse fut interrompue ou le bébé décédé. De plus, les cellules de cet enfant iront directement cicatriser une blessure ou une lésion des tissus voire d’un organe chez la mère. Bénir et guérir. Inversement, la mère transmettra aussi des cellules à l’enfant qui, par la suite pourront être transmises à d’autres descendants sur plus de trois générations. Cela provoque une tolérance à l’autre en soi afin d’éviter un rejet ou répondre à une attaque immunitaire. Engendrer et exorciser. Du non-soi, de l’autre, persiste donc en nous pour nous regénérer et se transmettre. Une véritable présence agissante inscrite dans la lignée des vivants qui ont façonné notre chemin.

Saisir toute la bonté transmise par cette humanité bien-aimée qui a aimé à son tour jusqu’à nous enfanter pour que nous l’enfantions encore. Saisir toute l’espérance de cette humanité pétrie de péchés qui continue de vivre, avec force et volonté en nous, dans chacune de nos fibres, malgré la mort et devant l’avenir. Se laisser saisir par Marie alors que nous sommes constituées de mères, d’enfants ainsi que de prières, et c’est là sans doute tout le mystère chrétien qu’elle nous révèle. Être mère de Dieu, de ce Quelqu’un qui vit en moi, me féconde et m’engendre tout à la fois. Être enfant de ce Dieu de tendresse qui se livre avec l’innocence de la vérité et la pauvreté de la toute-puissance. Être mère-enfant de Dieu, et porter Son espérance comme un printemps vivant au cœur d’un monde sans grands matins, c’est cela Vivre Marie.

Barbara Martel, codirectrice gestion