À l’aube de la rentrée et sur le seuil du foisonnement du 25e anniversaire du centre le Pèlerin, je ne peux m’empêcher un retour sur les rencontres vécues durant les vacances. En effet, juillet fut parsemé de visites, tantôt florissantes tantôt flétrissantes, souvent fleuries à travers le fané de la vie. À travers les cancers de jeunes amies, les corps meurtris des proches vieillissant, l’espérance écorchée des enfants projetés dans un avenir indéfini, je ressentais vivement le poids de leur croix, annulant mes vacances pour demeurer auprès.

Présente, silencieuse et écoutante, j’étais Simone. Revenant de mes champs tranquilles, dorés et féconds, je suis devenue occasion inattendue de prendre librement l’accablement de leur bois, de consentir à porter la peine de leur âme. Devant ces visages en forme de croix, je pensais souvent à Simon de Cyrène qui, fourbu et usé de sa journée, aurait pu renoncer et rentrer tranquillement en tentant de raisonner la culpabilité qui aurait peut-être un peu gâché son non. De toute façon, le légionnaire romain qui l’a contraint aurait certainement empoigné le prochain. Après tout un condamné séditieux, une cancéreuse fumeuse, un vieillard sédentaire et le jeune insouciant l’ont peut-être, en quelque part, mérité. Or, de cette part de souffrance qui leur est échue, qui s’écoule, béante, purulente, nous avons aussi part. La meilleure, comme la part qui fut offerte à Marie, la sœur de Marthe et de Lazare. Une part qui suspend l’affairement quotidien pour nous remettre en chemin, en écoute recueilli pour accompagner le Christ, ce condensé de condamnés, de cancéreux, de vieillards et d’une jeunesse désespérée. Un Christ tout en visitation, en invitation, en occasion unique à travers la souffrance de l’autre.

Simon a peut-être vu en cette occasion, une faveur imprévue, une grâce que sa conscience inquiète et féconde ne pouvait que recevoir. Plutôt qu’un hasard muet, ce fut une rencontre avec ce paysan inconnu qui ne laissera d’ailleurs dans l’histoire que son nom qui aura permis le destin de Dieu, répondu à son besoin d’être soutenu. À travers les Simon et les Simone, l’humanité porte librement l’humanité de Dieu à la croisée du destin humain et de l’accomplissement divin. Simon ployant sous la croix au côté du Christ, était à l’image de Dieu pour l’image de Dieu. Tout comme Dieu, il avait renoncé à sa propre invulnérabilité pour permettre au monde d’être, de s’humaniser. En cette occasion Dieu s’est entièrement donné au monde pour lui rendre la Vie, c’était maintenant à Simon de la lui donner pour qu’elle puisse s’accomplir. Il y a de l’immortalité dans cette occasion, une responsabilité infinie dans le geste d’incarner la bonté de Dieu. Le oui de Simon, fourbu et usé, concerné malgré lui dans la suppression de l’humanité, était pour Dieu. Son oui, était pour ceux que ses yeux ne seront plus là pour voir, son oui était pour nous.

Le Pèlerin est cette occasion inespérée depuis 25 ans, une occasion destinée aussi à ceux et celles que nos yeux ne seront plus là pour voir. Le Pèlerin est cette grâce unique que Dieu lui accorde pour les cœurs crucifiés par manque d’humanité, une occasion créatrice, simple et féconde qui a pour nom l’accompagnement. Un accompagnement fondé sur le geste gratuit, inattendu de Simon. Chaque accompagnement, chaque désespérance portée par un oui même fourbu, en vacances ou non concerné, est une responsabilité envers ce Dieu amoureux, vivant et vivace qui a tant besoin de nous pour donner la Vie vraie. À l’aube de ce quart de siècle qui a vu passer toutes ces personnes accompagnatrices, tous ces Simon et Simone que vous êtes, et qui accueillera tant d’autres appelés à devenir occasion vivante, rendons ensemble la grâce agissante à travers le Christ. Comme nous le rappelait le père Simon-Pierre Arnold lors de sa dernière visite parmi nous, le Christ est le chemin où l’on fait ensemble vérité pour donner sa chance à la Vie!

Devant ce quart de siècle qui nous contemple et au seuil de cet autre qui se profile, poursuivons notre mission, être Simon, être porteurs de vérité et de vie sur tous les chemins de croix.

Barbara Martel, codirectrice gestion

Événements à venir au Pèlerin