No 65 – série 2025-2026

Évangile du dimanche 9 novembre 2025 – Dédicace de la basilique de Latran

« Il parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2, 13-22)

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Le Christ, ce sanctuaire où notre sacré respire !

C’est souvent un « cœur brûlant » qui se cache derrière les réalisations les plus importantes… comme un buisson ardent qui ne se consume pas et où notre nom est prononcé. Cette ferveur suscite le don de notre vie. L’ampleur de cet investissement de soi parle de la force de l’expérience qui nous a saisi et qui appelle tout notre être et toute notre vie. Les trois heures de route pour celui qui veut retrouver sa bien-aimée ne sont pas un obstacle… La maison qu’ils vont construire n’est pas un dortoir… Les repas qu’ils feront ne sont pas pour offrir un service de traiteur… Leur amour appelle un foyer. Ils construisent un espace sacré pour la communion, leur vie de famille et leur amour. Comme un feu, cet amour les embrase et leur donne de devenir contagieux d’une chaleur dont ils ne sont pas la source : c’est le visage d’un autre (et de l’Autre) qui les a saisis. Cette ferveur qui les habite les fait entrer dans une expérience où il n’y a pas de calculatrice !!! Dans la radicalité de cet engagement, ils auront aussi rendez-vous avec leur part d’ombre… ce lieu où l’obscurité a besoin de se dévoiler pour que la lumière puisse y entrer… Leonard Cohen chantait « There is a crack in every thing, and that’s how the light gets in ».

Le Temple, dont la construction avait débuté il y a 46 ans, n’était pas terminé au temps de Jésus. Sa construction s’est terminée en 63, après plus de 75 ans de construction ! Son périmètre faisait 1 500 mètres. Sept ans plus tard, en 70, il était détruit. On ne doute pas que l’expérience qui en était la source était immense. La rencontre de ce Dieu qui entend les cris de son peuple et vient le délivrer au cœur de son histoire, a été bouleversante. Ce Dieu nomade, pèlerin avec son peuple, se donnait à rencontrer sur leur route. Le sacré de cette expérience se révélait de manière inattendue… et ils en inscrivaient la trace pour en faire mémoire… une stèle, un sacrifice, un puits, une tente de la rencontre, le chêne de Mambré, la traversée de la mer Rouge, le passage du Jourdain… L’histoire était marquée de cette Présence de Dieu… Par-dessus tout, le Temple de Jérusalem incarnait ce désir de rencontrer Dieu et de se mettre à son écoute. L’agora de cette possible rencontre est aujourd’hui ce site internet ou cette enceinte radiophonique.

L’expérience de Son Amour libère nos forces d’aimer en nous délivrant du champ gravitationnel de nos intérêts propres. Alors, surgissent des initiatives, des créativités, des constructions, qui trouvent leur origine dans ce Don qui nous est fait et révélé. Cet Amour qui nous saisit, mobilise et suscite une incarnation qui n’a rien à voir avec une vocation de promoteur immobilier ou de conservateur de musée. Ce n’est pas la coquille qui fait venir la vie… c’est la vie qui fait surgir une forme, une visibilité dont le propre est qu’elle ne cherche pas à être vue. On a beau passer la tondeuse sur un nid de fourmis, la bosse réapparaît sous l’impulsion de la vie des fourmis au secret de la terre et cette bosse n’est pas là pour se faire de la publicité. À l’inverse, ce ne sont pas trois pelletées de terre en forme de nid de fourmis sur le gazon qui font venir les fourmis !

Avec le temps, notre vie se refroidit et se rigidifie… tout devient domestiqué, en atmosphère contrôlé… nous connaissons les prières, nos relations deviennent formelles, bien huilées… Nos pratiques ronronnent d’habitudes et de convenances… Nos constructions perdent leur âme… L’extériorité demeure bien sûr… mais l’intériorité n’y respire plus. Les apparences ne sont que des façades où reste en souffrance, dans l’arrière-scène, ce qui pourrit de rester secret et est en attente d’être vivifié au cœur d’une rencontre sans jugement. Et nous avons alors rendez-vous avec l’effritement de notre œuvre… Dans cet effondrement, nous ne pouvons plus nous mettre à l’abri dans ce lieu que nous avons construit, où nous sommes en exil de notre intériorité, là où Dieu continue, Lui, de nous désirer et de nous attendre.

Dans l’intimité que Jésus vit avec son Père, habité par cette communion qui Le fait vivre, Il perçoit radicalement que le « sacré » du Temple est bafoué. Ce lieu construit pour être en relation avec Dieu est devenu un lieu de marchandage, un lieu où l’intérêt personnel des marchands et cette manière pour les pratiquants de vouloir se gagner les faveurs de Dieu, à coups de sacrifices de brebis, de bœufs ou de colombes, défigure le visage de Dieu et l’infinie Gratuité de son Amour. Cette logique marchande nous garde imperméable à cet Amour de Dieu qui désire nous sauver. La colère de Jésus n’est pas une faiblesse : elle exprime justement qu’Il n’accepte pas que le sacré soit profané ! C’est pour sauver l’espace sacré de notre relation avec Dieu que le Christ se lève en jetant par terre les tables des changeurs et leur monnaie[1]. L’espace du marchandage et du commerce ignore la gratuité. Il est polarisé par l’intérêt de chacun… En projetant sur Dieu cette logique marchande, le Souffle est mis à mort.

Jésus ne vient pas détruire le sanctuaire… si les juifs le détruisent (ce qu’ils sont en train de faire par leur manière d’en avoir perdu le sens), Lui, en son Corps, le rebâtira en 3 jours… les 3 jours de sa mort. En Lui s’accomplit cette Alliance par son Amour, plus fort que le mal et la mort.

Ils sont nombreux les guichets où la logique du marchandage est présente et où nous cherchons à consoler notre être, en déficit d’intériorité, dans la consommation et tant de compensations. Cette logique nous fait entrer dans des transactions avec Dieu, ou encore à nous servir de Dieu pour notre intérêt personnel comme le font les gourous. Cette même logique est encore présente lorsque nous faisons reposer notre vie sur nos « mérites » pour entrer au ciel. L’espace même où Dieu nous attend avec la Gratuité de son Amour est ainsi profané… Cette logique met à mort le « sacré de la vie » et entraîne la perte du sacré des personnes et la perte du sens de Dieu. Le sacré ne se rétrécit pas au Temple… Dieu nous attend partout.

Notre société, dans la superficialité dont elle est souvent prisonnière, appelle à nouveaux frais une recherche de sens, dont le centre est celui de retrouver la relation et la capacité de communion. Dieu en est la Source.

L’effritement de nos communautés, de nos appartenances, de nos familles et de nos solidarités appelle un surcroît d’intériorité : ce n’est pas Dieu qui s’absente… À la remorque de nos intérêts personnels, le mensonge, le non-respect, la violence, l’intolérance, la condamnation, l’exploitation, le pouvoir, les guerres, les génocides y trouvent leur terreau. Le sanctuaire est détruit. Mais ce Corps crucifié est Celui du Christ.

Au moment de la mort de Jésus, le voile du Temple s’est déchiré pour que soit manifesté cet Amour du Christ qui ne se négocie pas, mais qui se donne sans mesure, jusqu’à prendre le risque d’être mis à mort. Il nous attend dans cette fissure du Temple et dans celle de notre Œuvre afin de nous sauver.

Au milieu des ruines engendrées par l’effritement de nos œuvres, Il nous attend… Dans son Regard, Il voit le sacré de nos vies… son Amour continuera d’en protéger le mystère dans ses bras en croix.

L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com


[1] La monnaie sur laquelle se retrouvait l’effigie de l’empereur était échangée pour que l’argent servant pour l’achat des animaux sacrifiés ne soit pas impur… opération de blanchiment d’argent ?


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