No 61 – série 2025-2026

Évangile du mercredi 5 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire

« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 25-33)

En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !” Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Déclouer la croix pour marcher

Dans une société de la consommation, nous refusons ce qui nous restreint. Pourtant, les décisions qui nous limitent sont aussi celles qui nous construisent. Détestant les fermes résolutions, nous papillonnons avec négligence au lieu d’affronter avec sérieux les décisions cruciales qui sculptent notre existence ! Intoxiqués par les mondes virtuels où tout est possible, dématérialisés par les écrans qui tiennent le réel à distance, nous refusons la vie concrète dans laquelle les choix radicaux fondent notre profondeur. Beaucoup disent que la liberté, c’est se gaver de tous les possibles… Mais, celui qui voudrait vivre tout ne sera qu’un ballon gonflé d’illusions. Les limites nous contraignent tout autant qu’elles nous définissent. Être pour… ce que je choisis revient à se déterminer contre… ce que j’écarte. Pour dire vrai, les choix qui dessinent le profil de notre existence supposent des privations.  

Pour grandir dans la vie spirituelle, Jésus définit les exigences de la seconde naissance comme disciple. Qu’est-ce qu’être disciple de Jésus ? L’admirateur qui s’enthousiasme pour le Christ se laisse éblouir par la ferveur d’un instant. Avec réalisme, Jésus enseigne que le disciple doit soutenir l’épreuve du temps (1 Pierre 1,7). Pour naître de nouveau, il doit consentir au lent travail qui malaxe l’être en profondeur. Cette remise en question fait peur. Le jeune homme riche voulait bien suivre une route connue… mais, il refusa de s’exposer au renversement de la conversion (Mc 10,17-31) !

Avec lucidité, Jésus pose devant nous une interrogation radicale : sur quoi ma vie est-elle fondée ? Avant de Le suivre, Jésus conseille de réfléchir et de « s’asseoir pour calculer la dépense ». Aurai-je assez de fonds pour achever ma construction ? Car, mener une vie qui a une saveur céleste requiert un engagement. Préférer le Christ à sa propre vie, c’est accepter de ne plus être son maître pour faire route avec cet Autre qui sera notre Seigneur. Cette préférence accordée au Christ n’est pas une mutilation. Car, le Dieu des vivants (Mc 12,27) ne détruit pas la vie qu’il suscite (Sg 1,13).

Préférer le Christ à sa vie est une « métamorphose » où naît la vie divine (Mt 17,2). Si l’issue est lumineuse, le parcours est laborieux. C’est un renoncement à nos références humaines. Le renoncement à se diriger à son idée imprime à la vie la courbure de l’obéissance, c’est-à-dire de l’écoute. Le Christ nous saisit par la main pour nous faire passer par une dépossession de soi, par un passage du connu à ce qui est Autre. Si nous parlons symboliquement, nous formulerons la question ainsi  : qui osera suivre Jésus dans cette mise à mort de l’homme ancien (Éphésiens 4,22) ? Si nous reprenons les paroles du psaume, nous dirons : qui osera suivre le bon berger dans ces « ravins de la mort » où l’on ne craint pourtant « aucun mal » (Ps 22, 4) ? Il s’agit de « mourir à la mort » afin de « vivre à la vie ». (1)

Comment les disciples reçurent-ils l’injonction de porter sa croix pour marcher à la suite de leur maître ? Sans doute avec incompréhension et sidération… tant le supplice de la croix était craint. Puis, à la suite de Marie, les disciples se rappelèrent, à la lumière de la Résurrection, les paroles de Jésus. Dans leur cœur ébloui, ils méditèrent l’incompréhensible Amour divin qui rejoint l’homme dans la détresse. Ils se souvinrent de cette folie de la croix et y lurent l’action du Sauveur. Quand un homme voué aux moqueries n’est plus rien, il est rejoint par le Crucifié. Quand une femme perd la considération qui soutient la vie, l’Homme des douleurs se rend proche d’elle par amour. La vie du disciple est une vie crucifiée, c’est-à-dire une vie qui a perdu la justification qui vient des humains. Dans ce lieu infâme de la croix, Dieu suscite une remontée vers la vie, une Résurrection. Car, le Très-Haut accueille le faible.

Ce qui bloque et écrabouille… le Christ propose de le mettre en mouvement dans le sillage de Sa Résurrection. Jésus érige en commandement de ne pas être écrasé par la croix : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. » Loin du fatalisme déprimant, la croix doit être portée ! La croix qui fige dans l’immobilité doit être mise en marche ! La croix qui mène à la mort doit s’orienter vers la vie du Ressuscité ! Aussi bas que je sombre, je ne peux que tomber dans les bras au Christ. Pourrais-je me sentir exclu du cœur d’un dieu qui a pris la dernière place de la croix ?

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Note :

Saint Augustin, Les Confessions, (Livre huit, 11, 25).


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