No 40 – série 2025-2026
Évangile du mercredi 15 octobre 2025 – 28e semaine du temps ordinaire
« Quel malheur pour vous, pharisiens ! Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous ! » (Lc 11, 42-46)
En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous passez à côté du jugement et de l’amour de Dieu. Ceci, il fallait l’observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi, c’est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt. »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Peu importe la nuit si j’ai de l’aube en moi
Dans la nuit, une main caresse le grain froid d’une large pierre qui s’étire le long d’une terrasse. Sur le chemin qui le mène à la synagogue, Samuel regarde les premières lueurs métalliques qui percent l’horizon. Encore chaud du lit conjugal, il sort en hâte de la maison familiale où une petite chambre reste désespérément fermée. Dès que le sommeil le quitte, Samuel ne reste plus dans cette maison où le lit de leur fille demeure vide.
Dans la blancheur qui glace l’horizon, un nuage noir vient de passer. Samuel frissonne comme si la froideur de cette nuée montait le long de son cou. Un resserrement écrase son torse et pèse sur sa respiration… C’est à cette heure que leur fille est morte brûlante de fièvre, il y a deux ans et trois mois. Brûlante et puis si vite glacée par la nuit, dans le cercueil d’une aube blafarde. Depuis que cette nuit mortelle s’est refermée sur lui, le jour ne se lève plus pour Samuel. Les mains crispées de douleur, Samuel se raccroche le long d’une paroi qu’il dégringole sans fin. Ses ongles crissent sur une pente qu’il dévale et il tombe de tristesse en désespoir.
À la synagogue, il vient de gravir un échelon en obtenant une promotion enviée : il contrôle la dîme sur les végétaux et les plantes aromatiques. Il met beaucoup d’application dans cette nouvelle tâche. Avec un zèle scrupuleux, il supervise la dîme sur la menthe et la rue. C’est un poste important. Car, la dîme célèbre la souveraineté du Créateur auquel le peuple rend grâce par cette offrande. « Tout ce que nous recevons vient du Très-Haut » répète-t-il aux personnes qui défilent pour leur versement.
Avant-hier, Samuel a vu une pauvre veuve qui versait deux piécettes dans le Trésor du Temple. Son visage semblait si calme, elle était si heureuse de se donner que Samuel en était tout chamboulé. En comparaison, il s’est senti froid. Où est-elle cette vie qui vient du Très-Haut ? Samuel s’est vite réchauffé au feu des regards posés sur lui lorsqu’il s’est assis aux premières places de la synagogue. On le salue en se penchant quand il traverse le carrefour du marché. Pourtant, devant cet homme qui se courbait, il a senti en lui un vide qui grandissait. On le salue en courbant le dos, mais on ne le regarde pas. Samuel veille sur la dîme qui rend hommage à la vie reçue de Dieu. Mais, la vie s’en est allée dans la nuit. Il s’est durci.
Pourtant, hier, un événement l’a bouleversé. Un rabbi itinérant, poussiéreux de la route qu’il arpente avec ses disciples, est venu dans sa synagogue en interpellant le groupe des Pharisiens. Quelle autorité dans ses paroles ! Samuel revoit la scène : « Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. » Ses paroles étaient fortes, mais le son de sa voix était si doux, elle contenait tellement de compassion. Et ce regard… Son regard semblait dire : « comme tu es malheureux… mon pauvre petit, mon fils… Reviens vers la vie ! »
Samuel regarde l’aurore qui dore les pierres blondes de la terrasse. Il se parle dans le silence de la nuit qui part : « Son regard s’est posé sur moi. Il a vu mon malheur. Moi qui cherchais tant à être vu, il m’a regardé. » Samuel médite l’ironie de sa situation : lui le gardien de la pureté rituelle, il a été comparé à une pierre tombale que l’on foule sans même s’en apercevoir. Sa tristesse morbide est une occasion de chute pour les autres… pour son épouse restée à la maison… « C’est tellement vrai », se dit-il. « Depuis deux ans et trois mois, ma vie s’en est allée. Je suis un tombeau que l’on ne voit plus. Un docteur de la Loi s’est senti insulté par ses paroles. Mais, moi, je me suis senti exister dans son regard. Ce rabbi de Nazareth… où puis-je le retrouver ? »
La vie est belle, mais elle est dure. Le malheur guette et il est si facile de glisser le long d’une paroi qui n’en finit pas de tomber.
Lorsque l’on chute, comment tomber en Dieu ?
Lorsque le pied dérape, comment demeurer sur le chemin de la vie ?
Oui, Christ de Dieu, nous T’avons reconnu. Ta Parole, venue d’en haut, est capable de descendre dans nos enfers, de bousculer la porte de nos tombeaux pour interpeler ce qui est mort et nous remonter vers la vie.
Ô Christ, Toi qui es la beauté du monde,
Tu as plongé Ton regard dans nos tombeaux
Et nos visages se sont relevés vers Toi.
Les portes de nos enfers n’ont pas résisté à l’éclat de Ton amour.
Les deux battants de nos enfers se sont effondrés et leurs gonds ont sauté.
Et c’est Toi, Seigneur qui prends fermement par le poignet nos parents, Adam et Ève.
Alors, sur les portes de notre mort oubliée et vaincue,
Tu danses et nous entraînes dans Ta lumière.
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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