No 240 – série 2024-2025

Évangile du mardi 20 mai 5e semaine de Pâques

« Je vous donne ma paix » (Jn 14, 27-31a)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car il vient, le prince du monde. Certes, sur moi il n’a aucune prise, mais il faut que le monde sache que j’aime le Père, et que je fais comme le Père me l’a commandé. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – « La paix de Dieu dépasse tout ce qu’on peut concevoir »

En novembre 1917, Édith Stein perd un ami, Adolph Reinach, mort à la guerre à 24 ans. Son épouse Anna demande à Édith de l’aide pour classer les papiers de son mari. Connaissant le bonheur de ce couple, converti en 1916, Édith appréhende la détresse de la jeune veuve… Ne sera-t-elle pas anéantie par la douleur ? Comment vivra-t-elle la déchirure de son amour ? Au contact d’Anna Reinach, Édith vit une expérience spirituelle inédite ! Unie par le coeur à la croix de son Sauveur, Anna éprouve un calme qui étonne. Dans cet événement terrible qui la meurtrit, une paix mystérieuse l’envahit. Édith, encore agnostique à cette époque, se trouve transformée par le témoignage silencieux d’une épreuve vécue avec le Christ. Édith ne dit rien, mais en conserve une forte impression. Édith, la future Sainte Thérèse Bénédicte de la croix, écrira plus tard : « Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec cette force divine qu’elle confère à ceux qui la portent. Pour la première fois, l’Église, née de la Passion du Christ et victorieuse de la mort, m’apparut visiblement . » (1) Face au malheur, Édith fit l’expérience concrète de la fécondité paradoxale de la croix du Christ qui donne la paix.

En 2016, le Père Jacques Hamel fut assassiné alors qu’il célébrait la messe. Dans un livre récent, Sœurs de douleur, sa soeur Roseline raconte sa rencontre avec la mère de l’assassin ainsi que leur chemin de paix. Éberlué, un journaliste s’interroge : « Comment la sœur de Jacques Hamel, le curé de Saint-Etienne du Rouvray assassiné le 26 juillet 2016, a-t-elle pu se rapprocher de la mère d’Adel Kermiche, l’un des deux jeunes islamistes de 19 ans qui ont sauvagement poignardé le prêtre qui venait de célébrer la messe, avant d’être abattus par la police ? » (2) Pour ne pas rester enfermée dans la rancune, Roseline Hamel a téléphoné à la mère du jeune homme. Puis, elle est allée lui rendre visite. Au pied de la croix, dans sa douleur intense, Roseline a vécu l’irruption du plus grand que soi. Elle a reçu la paix qui vient du Christ. Roseline Hamel se confie en ces termes : « La rencontre avec Mme Kermiche fut le chemin que je cherchais pour donner un sens à ma vie, après avoir subi une telle violence en tant que victime collatérale. On était sur place, pratiquement au pied de l’église, et d’un seul coup on nous dit qu’il ne reviendra pas. Non seulement Jacques est mort, mais il est mort avec toute cette méchanceté humaine. Donc quand je suis allée voir Mme Kermiche, la première chose qu’elle a dite, évidemment, c’est que c’est son fils qui a agi de cette façon, et qu’elle me demandait pardon. Elle voulait nous rencontrer pour nous demander pardon et qu’on essaye de comprendre. On a partagé tout de suite cette douleur qui avait un sens différent. » (3) Roseline ajoute à propos de la mère de l’assassin : « Elle porte en permanence ce manteau de culpabilité, en plus de la douleur d’avoir perdu son fils. Et elle nous a dit : “Voyez vous, vous avez subi, vous, chrétiens, et vous venez me rendre visite’’. » (3)

Parlant de paix, le Christ désigne un don de l’Esprit. Comment vivre une paix lorsque le monde broie notre coeur ? Le Seigneur nous invite à une paix que le monde ne peut donner. Le Pape François disait dans une homélie : « La paix que te donne Jésus est une paix qui te met en mouvement : elle ne t’isole pas, (…) elle te fait aller auprès des autres, elle crée la communauté, elle crée la communication. La paix de Jésus est gratuite ; c’est un don du Seigneur. Elle est féconde, elle te fait toujours avancer. » (4) La paix du Seigneur rétablit la relation entre les personnes en vue d’une communion.

Grâce au parapluie, les gouttes froides s’écartent pour retomber autour de nous. Il n’en va pas de même avec la paix que donne le Seigneur. Nous restons aux prises avec la dureté du monde, la paix n’anesthésie pas le coeur. La paix appartient à des ouvriers rompus au travail de la prière. Jésus déclare heureux ceux qui cherchent la paix : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9). Ce bonheur n’est pas celui des dieux de l’Olympe confortablement installés dans leur palais. Enfoncés dans leur canapé divin, les dieux antiques regardaient de haut les simples mortels. Au contraire, le Seigneur invite son peuple à se mettre en marche à Sa suite. Alors, la réalité du monde est traversée par un Souffle qui mène plus loin… vers la vigilance de l’amour, vers le combat pour la réconciliation. C’est donc au carrefour des brûlures du monde que la paix du Seigneur se vit. C’est dans les lignes de fractures que le Seigneur nous offre une paix qui vient de la croix.

La liturgie nous apprend que la paix qui vient de Jésus procède de la croix. Comme nous le disons à la messe, le geste de paix est posé après la fraction du pain qui actualise la mort et la résurrection du Seigneur. « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. Et vous, vous étiez jadis étrangers à Dieu, et même ses ennemis, par vos pensées et vos actes mauvais. Mais maintenant, Dieu vous a réconciliés avec lui, dans le corps du Christ, son corps de chair, par sa mort, afin de vous introduire en sa présence, saints, immaculés, irréprochables. » (Col 1, 19-22). Le disciple du Christ, « vrai compagnon d’effort » (Ph 4,3), vit, dans un coeur disponible, l’événement d’une paix se lève : « Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » (Ph 4,6-7)

Cette paix ne vient ni de la douleur, ni de la mort qui ne produisent rien de bon. La souffrance ne sauve pas. Elle rétrécit et mutile. Mais, la paix vient du Christ qui aime, de Sa vie céleste qui envahit notre douleur et notre mort pour nous élargir aux dimensions du Ciel.

Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Notes :

(1) Elisabeth de Miribel, Comme l’or purifié par le feu. Edith Stein (1891-1942), Plon, 1984, (p.61).

(2) Article du journal Le Monde de Philippe Bernard du 27 avril 2025.

(3) Entretien réalisé par Jean Charles Putzolu pour Vatican News (06 décembre 2023).

(4) Pape François, HOMELIE, CELEBRATION MATINALE RETRANSMISE EN DIRECT DEPUIS LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE, «Comment le monde donne-t-il la paix et comment le Seigneur la donne-t-il ?», Mardi 12 mai 2020.


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