No 34 – série 2025-2026
Évangile du jeudi 9 octobre 2025 – 27e semaine du temps ordinaire
« Demandez, on vous donnera » (Lc 11, 5-13)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Si tu savais le don de Dieu
Recevoir par la demande du besoin, recevoir par la quête de sens, recevoir par l’insistance du désir. Recevoir en toute gratuité… la Parole de ce matin nous invite à réfléchir sur la renversante Loi du don qui célèbre l’Alliance. Dans son livre intitulé La Loi du don, le théologien Jean-Claude Sagne nous enseigne que « Notre réalité profonde résulte de notre aptitude au don. Le don est l’acte de la vie, il instaure la relation, la filiation. Ce lien a une structure fondamentale d’Alliance, de solidarité. Il y a une parole originaire à laquelle le sujet peut s’ouvrir, dans une expérience spirituelle » (1998, Presses Universitaires de Lyon).
En méditant notre passage évangélique, il semble que cette loi s’impose en dépit de l’aptitude et de ses manquements : « Ne viens pas m’importuner, la porte est déjà fermée ». Et le Christ de préciser : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami et lui donnera tout ce qu’il lui faut ». Chouraqui traduira d’ailleurs le terme sans-gêne par impudence, c’est-à-dire volontairement offensant ou de façon effrontée.
Donner, malgré tous les malgré, c’est autoriser une Parole à agir pour rendre vivant. Parce que même à corps défendant, donner engendre la relation. Et lorsqu’il y a reconnaissance du don, c’est-à-dire de la bonté fondant l’acte de donner, alors il peut y avoir une filiation, fraternelle ou filiale. L’ami dérangé, malgré sa demande de ne pas être ennuyé, fut une Parole agissante, une réponse au désir de l’autre affamé. Voilà qui rappelle en accompagnement spirituel, la Parole de la personne accompagnée qui cherche à se livrer pour donner naissance, l’appel affamé de vie vivante. Un appel qui insiste secrètement derrière la demande première, souvent plaintive et si soigneusement repliée sur elle-même qu’elle étouffe l’appel. Cette Parole portée en dépit des manquements et régie par la Loi mystérieuse du don, est la caisse de résonance du désir profond que nous portons et qui est celui de Dieu.
Ce désir commun qui cherche à se révéler en notre don unique, parole unique et filiale dans l’Unique Parole qu’est le Christ. Notre don est celui par lequel Dieu cherche à se donner en totalité, parce qu’il a mis en nous tout son amour par le Fils (Mt 3.17, Lc 3.22). Cette filiation reçue par Son don qui fait notre loi, nous l’incarnons depuis le baptême. Si tu savais le don de Dieu que tu es, ce désir irrépressible de la vie qui ne peut s’incarner qu’en désir d’Alliance avec cet autre qui cogne à ma porte et ce Tout-Autre face à moi quand je m’ouvre à toi. Ainsi, donner demeure un acte d’amour fécond même si parfois le dévouement jusqu’à l’épuisement ou le service jusqu’à l’isolement prennent le pas sur cet amour.
C’est alors que le Christ nous invite à l’aptitude du don, une aptitude voire une attitude paternelle et maternelle si vivifiante du don en toute liberté. Père d’un fils prodigue, mère d’un enfant criminalisé, frère d’un toxicomane, proche-aidante d’un parent ingrat, la dynamique du don agira dans sa logique de l’immérité, de la pauvreté et de la réciprocité car l’Alliance dépasse toute attente. Se lever et répondre, tendre la main, ouvrir la porte et les bras, c’est recevoir la vie par le don que nous sommes. C’est aussi saisir qu’au Royaume de Dieu, seule la Loi du don s’impose car il n’y aura ni porte ni voisin dérangeant. Il n’y aura qu’une communion, ce face à face désirant comme celui du Père du Fils qui nous donnera le vivant infini de l’amour et pour lequel nous donnerons vie pour l’éternité.
Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org
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