No 30 – série 2025-2026
Évangile du dimanche 5 octobre 2025 – 27e dimanche du temps ordinaire
« Si vous aviez de la foi ! » (Lc 17, 5-10)
En ce temps-là, les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.
Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Avancer, pieds nus, dans sa Lumière !
Lorsque nous partons en voyage, nous prenons la peine de vérifier la jauge à essence pour nous assurer de ne pas tomber en panne. La foi ne repose pas sur la contenance de notre réservoir… Pour les disciples, ce jour-là, le réservoir criait son insuffisance devant l’Appel du Christ.
Juste avant cet épisode, Jésus a interpellé les disciples au pardon sans mesure. Dépassés par cette demande vertigineuse, ils demandent à Jésus d’augmenter en eux la foi. Heureuse situation qui amène les disciples à perdre leur auto-suffisance et à exprimer cette demande d’une foi plus grande.
Pour nous aussi, il nous arrive d’être placés devant ce qui dépasse nos capacités, devant des situations qui nous font prendre conscience de notre impuissance et de notre difficulté à pouvoir avancer sur nos propres forces. Les réalités pour lesquelles notre confiance et notre espérance peuvent faire naufrage ne manquent pas : notre vie personnelle, notre vie familiale, la situation mondiale déchirée par tant de conflits et d’injustices, notre planète bleue si fragile et blessée nous en donnent l’occasion.
La foi qui allait de soi et qui nous donnait de suivre Jésus spontanément, avec élan, voilà qu’elle manifeste sa limite… le chemin sur lequel nous nous trouvons nous questionne et nos pas s’alourdissent de doute… Ce qui semblait aller de soi, ce qui était si simple, tout à coup, devient lourd… ce que Jésus nous demande est trop pour nos propres forces. Alors, en nous, surgit cette demande : « Augmente en nous la foi ! ».
Et Jésus de répondre à notre demande, sollicitant de nous une toute petite graine de foi… alors même que nous attendions de Lui qu’Il nous en donne beaucoup plus… Au milieu de notre manque de foi, Jésus voit cette possibilité en nous de cette si infime foi, qu’elle nous reste imperceptible… encore endormie en nous. Humble et fragile, elle est si petite qu’elle nous est restée cachée, dénudée de tout intérêt à nos yeux… même le grain de sable capable de bloquer l’engrenage est plus gros que cette semence.
Le Christ n’éteint jamais la mèche qui fume encore… Il croit en nous, plus loin que nous… Il voit ce qui est encore en dormance au fond de nos cœurs. Sa Parole s’adresse à nous, non pour disqualifier notre vie à partir du manque que nous lui présentons, mais pour faire de ce creux un silence pour sa musique. C’est dans ce creux que sa Parole résonne… La foi ne dépend pas de nos forces, ni de nos faiblesses. Elle n’est jamais un acquis… Elle porte le secret des pas que nous faisons dans la nuit de notre cœur et de notre monde… Notre prière tournée vers Lui est une grâce faite de vérité, de conscience du réel, dans le vertige même des événements à même de nous submerger et de nous engloutir. Nous sommes ainsi placés sur la ligne de front, là où le Christ veut déposer sa Lumière au plus profond des ténèbres, à travers nous.
Le Christ nous révèle que cette humble foi peut dire à un sycomore profondément enraciné dans le sol, d’aller se planter dans la mer. Quelle situation inusitée et insolite : un arbre vivant, indéracinable, appelé à se déraciner pour aller se plonger dans la mer, ce lieu où les conditions le mettent à mort.
La mer pour les juifs représente les forces du mal, le chaos et le danger. Elle est la demeure des forces obscures qui menacent la vie et engendrent la peur. Le Christ Lui-même rendra visible ce mystère à travers sa mort sur la Croix. Il est cet arbre qui, en faisant confiance en son Père et par amour pour nous, se déracine pour se plonger dans la mer et descendre au plus profond des enfers, afin de vaincre le mal et la mort, par son Amour.
En interpellant ce restant de foi qui sommeille en nous, le Christ nous invite à Le suivre en acceptant nous aussi de plonger en Lui, alors même que nous sommes confrontés à notre manque. Au regard de l’impossible où la vie et la mission nous placent, la toute petite foi nous invite à l’audace.
Alors que nous nous approchons de Lui pour lui exprimer notre cri, Jésus sème sa Parole vivante au plus profond de notre être tourmenté, là même où la tempête est présente en nous, là même où les disciples ne se sentent pas capables d’aimer et de pardonner comme le Christ leur a demandé. Ainsi, sa Parole choisit de venir se planter au profond de la « mer intérieure » où notre cœur risque de chavirer.
Ne nous laissant pas éteindre par ce qui suscite le doute, nous sommes invités nous aussi à accepter cette plongée dans la « mer » qui nous entoure en prenant appui sur le Ressuscité.
Ici la grâce ne repose pas dans la réalité de nos réalisations face au mal et aux difficultés, mais dans la foi que nous mettons en Lui, cette foi qui nous ouvrira un jour les yeux sur l’impossible que son Amour aura réalisé en notre vie à travers ces petits pas de pauvres, alors même que nous étions « au bout du rouleau » et que nous étions conduits par grâce à ne plus pouvoir nous appuyer sur nous-mêmes.
Dépouillés de tout triomphalisme et de toute suffisance, rabotés par les événements jusqu’à devenir plus vrais, plus proches de soi, des autres et de Dieu, dans cette simplicité où nous pouvons enfin nous laisser regarder sans crainte, le Regard du Christ éveille en nous ce qui était disparu à nos yeux : cette humble foi, cachée même dans l’élan où nous Lui demandions d’augmenter notre foi.
Les événements où nous pensions tout lâcher peuvent ainsi devenir des carrefours décisifs de foi. Et même lorsque nous avons abandonné le chemin de la confiance, vaincus par les épreuves et la souffrance, l’Amour du Christ continue de plonger pour nous sauver là où les forces du mal nous emprisonnent.
Ce chemin inusité ouvert par le Christ, nous sommes invités nous aussi à le vivre à sa suite en offrant notre vie, sans pour autant mesurer comment le Père suscitera l’avènement du Royaume au cœur de la « mer » où nous sommes plongés. Dans l’impossible, le Christ ouvre une issue qui n’est pas l’incarnation de nos solutions, mais le chemin d’un Amour qui, lentement, fait lever la pâte et nous inscrit dans sa Résurrection. La foi nous donne d’avancer là où il n’y a plus de chemin pour nous. Elle avance pieds nus, dans la lumière de ce Regard qui nous aime et donne sa vie pour nous.
Bien sûr, il nous est facile d’oublier ce Regard. Alors, nous retombons dans cette fragilité d’attendre la reconnaissance des autres ou de Dieu… et de ne plus être en service. Ne nous laissant plus regarder par le soleil, notre propre visage s’obscurcit et notre vie retombe sous le champ gravitationnel de notre égo.
Comme la lune devient lumineuse du soleil au cœur de la nuit, notre vie reçoit sa lumière de Celui dont le Regard nous sauve : Il éveille notre humble foi pour que nous apprenions de Lui le service par amour. Dans cet effacement du Christ brille cette confiance en nous, son Amour qui nous sauve et le secret de notre bonheur. Comme l’exprime la Lettre aux Philippiens :
« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Lettre aux Philippiens 2, 5-8)
Avancer, pieds nus, sur le sol humide et froid… sentir la fragilité de notre foi…
Et au milieu même de notre essoufflement, accueillir le Souffle du Ressuscité pour chanter la confiance… et servir… servir au plus profond de la mer, là où l’arbre de la Croix a planté l’Amour qui nous sauve.
L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com
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