No 79 – série 2025-2026

Évangile du dimanche 23 novembre 2025 – Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers

« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » (Lc 23, 35-43)

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Tout entier dans son Regard

À l’extrémité de sa vie, Jésus, qui nous aima jusqu’au bout, nous révèle le Cœur de Dieu sur ce fond de scène du dévoilement du cœur de l’homme. La fin de l’année liturgique avec la fête du Christ-Roi nous situe dans cet ultime regard sur Dieu et sur nous-mêmes, à travers Jésus crucifié. La Croix purifie nos fausses images de Dieu et nous interpelle à la vérité sur nous-mêmes.

Le Christ n’est pas mort de mort naturelle… Sous les apparences d’un échec, son Amour choisit d’habiter notre vie en continuant de nous aimer, même dans la mort que nous lui infligeons.

« Le Peuple restait là à observer. » Nos écrans, nos journaux et les nouvelles ne cessent d’inonder notre regard de cette réalité de la souffrance humaine qui prend tant de visages. S’il est vrai qu’il existe une souffrance inscrite à travers même la réalité de nos finitudes, comme celle de la maladie, du vieillissement, des accidents et des cataclysmes de toutes sortes, il y a aussi ce mal qui porte notre signature et qui engendre toute cette souffrance… une souffrance qui pourrait ne pas être, et dont la réalité trouve ses racines en nous.

Le fait historique de la mort de Jésus assume toute l’Histoire humaine… des premiers temps de l’Humanité jusqu’à la fin des temps, saisissant aussi notre présent à travers ce Mystère d’un Amour qui n’a aucune frontière, ni de temps, ni d’espace. Le Christ en croix n’est pas du passé… Aujourd’hui encore, c’est le Corps du Christ qui continue d’être crucifié sous nos yeux à travers la vie et le visage de ces personnes dont l’écran nous fait devenir témoin, tout en nous gardant à distance, souvent impassibles et impuissants. Nous restons là, à regarder… Notre silence est-il complice de ce qui condamne la vie ou est-il habité par une compassion qui se sent impuissante devant le drame de ce qui crucifie la vie ?

Par Amour, le Christ accepte de vivre la souffrance de nos propres croix, celles où notre désir de vie et d’amour fait l’expérience de l’épreuve du mal et de la mort. Cette souffrance du Christ est sans doute le secret de nos propres larmes au cœur de ce qui nous fait souffrir.

Le regard des chefs religieux, des soldats et du premier malfaiteur, est aveugle sur l’innocence de Jésus. Ils sont aussi aveugles sur eux-mêmes… sur leur enfermement dans la lettre de la Loi qui met à mort la miséricorde… sur leur recherche de pouvoir qui n’a rien du Royaume… sur les stratégies d’un malfaiteur qui cherche simplement à sauver sa peau face à la sentence méritée et qui, pour se faire, veut se servir de Jésus en Le provoquant.

Chouraki traduira l’intention de ceux qui s’adressent à Jésus : « Les chefs le raillent… les soldats le bafouent… L’un des malfaiteurs pendus blasphème contre lui… »

Frédéric Boyer[1] traduira… « Les chefs se tordaient le nez de rire… les soldats le ridiculisent… l’un des malfaiteurs l’outrage… ».

La cruauté n’est pas que physique… Jésus est Lui-même humilié et ridiculisé. L’écho de cette humiliation afflige tant de personnes.

Le second malfaiteur, quant à lui, conscient de sa responsabilité dans sa condamnation à mort, Lui exprimera le fond de son être à travers ce cri où Il demande à Jésus de se souvenir de lui quand Il viendra dans son Royaume. Dans la lucidité où il se reconnaît pécheur et se sait coupable, son regard perçoit l’innocence et la grandeur de Celui qui meurt à ses côtés. Il découvre que, par amour, le Christ innocent a choisi de mourir avec les coupables… Cet Amour ne peut nous laisser dans l’oubli.

Dans cette condamnation où le Christ est mis à mort, résonne à ses oreilles de la bouche même des complices de sa mort, cette injonction : « Sauve-toi toi-même! ».

En même temps qu’elle confirme leur décision de Le condamner, elle laisse Jésus dans l’univers de l’absence. Même dans sa détresse la plus grande, ceux qui auraient le pouvoir d’intervenir, restent impassibles.

« Sauve-toi toi-même »…

N’est-ce pas ce que le climat actuel d’indifférence exprime à ceux et celles qui souffrent ?

N’est-ce pas ce qu’exprime cette injonction à la performance et à la compétition où chacun doit gagner sa crédibilité en faisant reposer la valeur de sa personne sur ses propres capacités ?

N’est-ce pas ce que nous essayons de faire lorsque nous choisissons de nous emmurer dans le silence, essayant de nous en sortir tout seul ?

Au début de son ministère, alors que Jésus se retrouve au désert, ce « sauve-toi toi-même », n’est-il pas le sens des tentations où le diable cherche à Le piéger ?

Cette injonction qui lui est faite à se sauver Lui-même veut aussi le provoquer à prouver son identité. « Si tu es le Messie… », « Si tu es le roi des Juifs », « Si tu es le Christ ». Son silence exprimera qu’Il n’a pas à défendre son identité… Il la reçoit de son Père et ne travaille pas pour son propre compte.

Dans le verset qui précède cet Évangile, Il implore le pardon pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ! »[2] et Il répond à la demande du second malfaiteur crucifié avec Lui : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. ». L’unique réponse de Jésus est celle de nous aimer. Jésus entrera dans la perception de l’échec de sa Mission, sans jamais renoncer à nous aimer et en demeurant ancré dans l’Amour de son Père.

Nos manières prêtent flanc à ces royautés où nous cherchons à nous sauver nous-mêmes. Au cœur de cette fête du Christ-Roi, Jésus nous révèle le précieux de ce que nous sommes… Lui qui accepte de mourir pour nous sauver.

Cette victoire du Christ n’est pas celle d’un combat de boxe avec l’enjeu d’un trophée ! Elle demeure dans la vulnérabilité de notre propre réponse à son Amour. Cet Amour ne fuit pas notre mal… Il en souffre avec nous, dans la mort même que ce mal nous fait vivre. Il ne cherche pas à sauver sa peau. Simplement, jamais son Amour ne nous abandonnera.

En mars 1996, dans la flambée de violence qui faisait rage en Algérie, les moines de Tibhirine se sont demandé s’ils devaient quitter… L’une des personnes qu’ils côtoyaient leur a dit : « Nous sommes des oiseaux sur la branche… vous êtes la branche… si vous partez, il n’y aura plus de branches pour se poser ! ». Ils sont demeurés… 7 moines ont été mis à mort, ensemencés dans la terre d’Algérie.

Notre croix est le lieu où le Christ éprouve ce que nous vivons et L’assume par son Amour pour nous sauver : le premier atteint, c’est le Christ. À sa suite, nous faisons aussi l’expérience de ces croix que nous portons parce que nous avons choisi d’aimer. Refusant de vouloir nous sauver nous-mêmes, enracinés dans son Amour, nous devenons semence enfouie. La croix de ceux qu’on aime devient le rendez-vous de notre présence et de notre amour… Qui a pu mesurer la souffrance d’une mère pour son fils perdu ? Dans l’amour se révèle la profondeur de nos croix… Dans sa Croix respire le plus grand Amour.

Dieu connaît mieux que nous le secret de nos croix… Jésus les a faites siennes !

Tout entier dans son Regard, Son Amour y ensemence une résurrection !

L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com


[1] Frédéric Boyer, Évangiles nouvelle traduction, Gallimard, 2022, p. 420.

[2] Lc 23, 34



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