No 58 – série 2025-2026
Évangile du dimanche 2 novembre 2025 – Commémoration de tous les fidèles défunts
« Dans la maison du Père, il y a de nombreuses demeures » (Jean 14, 01-06)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Calligraphes de l’Éternel
Jésus vient de parler de son départ qui éveille chez Pierre cette question grelottante d’inquiétude : “Seigneur, où vas-tu?”
Pierre Lui exprime son désir de Le suivre jusqu’à donner sa vie pour Lui. Et Jésus de répondre que Pierre Le reniera avant que le coq ait chanté trois fois. Comme une ancre au creux des flots agités, Jésus sèmera ces mots : “Que votre cœur ne soit pas bouleversé…”
Être bouleversé… c’est aussi cette expérience que nous vivons à travers la mort de nos proches. Elle rejoint l’expérience des disciples en regard du départ de Jésus, Celui que non seulement ils ont suivi, mais aussi qu’ils aiment. Dans cet Amour qu’a Jésus pour nous, le Christ nous accueille dans ce qui nous bouleverse, et ce, jusque dans la lucidité des reniements qui marquent nos vies. Il s’offre à nous pour abriter le Mystère de chaque personne dans son unicité.
La mort est sans doute l’impasse la plus musclée qui marque nos vies… nous en rencontrons d’autres bien sûr, mais celle-ci, par le caractère inévitable et implacable dont elle porte le sceau, nous replace devant la question ultime du chemin, alors même que disparaît pour nous la possibilité d’avancer devant la fin apparente de notre vie.
Cette perception d’une “absence de chemin” s’impose spontanément à nos sens au cœur des deuils que nous vivons. D’ailleurs, pour plusieurs de nos contemporains, après la mort, c’est fini. La mort a le dernier mot et avec celle-ci, disparaît la personne et la relation. Des souvenirs peuvent demeurer, mais la personne demeure figée dans un passé qui n’a plus d’avenir. Cette conscience de notre finitude peut même nourrir une certaine urgence de vivre afin de profiter au maximum de la vie, étant donné la conviction qu’après notre mort, il n’y a plus rien. Devant l’absence d’un sens au-delà de la mort, nous nous réfugions dans des consolations qui gardent toujours l’arrière-goût d’une mort qui aura le dernier mot sur nous.
En ce jour de la commémoration de nos défunts, nous voilà pourtant habités par ces personnes qui ont marqué notre histoire, et dont la vie a été passage de la nôtre. Alors que leur départ a laissé un vide, notre mémoire demeure habitée, laissant une trace indélébile de ce qu’ils ont été pour nous. Amour et blessures sont gravés sur cette croix qui nous habite. Et alors même que nous perdons pied à travers l’absence physique de ces personnes, quelque chose d’éternel continue de s’affirmer en nous.
À travers la réalité des personnes qui viennent au cimetière, qui participent à la célébration des funérailles ou à la commémoration des défunts, sans bruit, ce qui ne peut mourir se donne à entendre… Si la réalité de l’amour mourait à la même vitesse que le corps, personne ne serait aux funérailles… notre mémoire ne trouverait plus de socle pour s’exprimer… L’épreuve du temps, même de quelques jours, effacerait tout… même la chaleur des moments étoilés… même la souffrance de ces blessures subies ou infligées…
Ce secret de l’impérissable respire dans la place préparée par le Ressuscité pour chacune et chacun. C’est avec sa Vie de Ressuscité qu’Il revient vers nous.
La mort ne fait tomber que ce qui est périssable… Apparaît ainsi plus clairement ce qu’elle ne peut détruire, ce qui ne pourra jamais mourir… Mystère de vie qui respire même au cœur de l’absence…. L’odeur d’un parfum, la vue d’une chaise, un paysage, la saveur d’un repas, un tissu, une musique, une chanson, un son… tant de signes prendront vie en faisant réapparaître ce qui s’est gravé, presqu’à notre insu, au plus profond de notre cœur, comme l’empreinte de ce qui reste indélébile et porte le parfum de l’éternité… même nos larmes en témoignent.
Et voilà que le Ressuscité revient vers nous… Là où la mort croyait nous tenir captifs, Il descend Lui-même pour devenir ce Chemin où Il nous emmène avec Lui dans cette Pâques qui est la sienne. Alors même que Jésus assume toute notre vie et avance vers sa mort, Il nous exprime qu’Il nous porte… qu’Il voit notre bouleversement…
Alors que le chemin nous reste inconnu, Il nous offre Sa Parole comme demeure et pont au-dessus de l’abîme. Devant la souffrance causée par la mort de nos proches, celle de notre propre mort ou la souffrance causée par le mystère de ces reniements qui font craquer nos suffisances. Il nous révèle que nous n’appartenons pas à la mort, mais bien à son Amour. Sa Parole cherche un espace en nous, pour nous offrir une demeure.
Il est encore avec nous, sur ce chemin dont le vide marque souvent d’inconnu le comment nous pouvons continuer… Que sera demain ? Qu’arrivera-t-il après la mort ? Même dans l’intensité de la vie qui est la nôtre, nous ne le savons pas vraiment… Nous nous servons bien d’une certaine cartographie pour nous rassurer et donner sens à notre vie, mais nous demeurons devant un futur qui garde son Mystère… Même cet insaisissable “demain” est entre ses mains.
Et là, maintenant, nous pouvons choisir de mettre notre confiance en Lui, en accueillant sa Parole au plus intime, là où seul l’amour donne accès… Plonger en Lui, comme Il a plongé en nous. Permettre à Celui qui veut nous faire sortir de nos tombeaux de descendre là où la mort nous tient.
Et dans la mémoire du cœur, cueillir, lettre par lettre, mot par mot, la Parole que son Amour continue de graver au fil des jours, même sur les pages déchirées, parfois indéchiffrables, qui se sont faites un jour avocates de la mort…
Ressuscité, c’est Lui qui revient pour nous prendre avec Lui, pour nous accompagner et devenir Chemin, Vérité et Vie pour nous. C’est vers le Père qu’Il nous conduit.
Dans cette espérance dessinée par son Amour, choisir d’avancer sur ses pas, éclairé par une foi renouvelée. Au plus intime de nous, découvrir un « chez soi », que nous n’avons pas construit… un “chez soi” où son Souffle s’est manifesté au cœur des relations les plus profondes, les plus simples, les plus quotidiennes…
Et à travers notre relation avec Lui, entrer dans la communion…
- Cette communion tissée par la prière pour nos défunts,
- Celle qui a été source de vie et de joie, rendant grâces pour ce qu’ils ont été pour nous…
- Celle où les pardons sont encore en gestation dans l’incubateur de la Miséricorde de Dieu…
- Celle aussi qui se tisse à travers la sollicitude et le soutien mutuel au cœur des deuils que nous vivons…
Les noms de nos défunts ne sont pas prisonniers de la pierre tombale où ils sont gravés…
C’est dans le Cœur du Père que leurs noms et le nôtre sont gravés pour l’Éternité.
L’éternité qu’Il suscite n’est pas dans un ailleurs qui ne serait qu’un au-delà de la mort.
Elle s’enracine dans l’Éternité de cet Amour qui nous sauve
et qui fait de nous les “calligraphes” étonnés de ce qui ne peut mourir.
L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com
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