No 44 – série 2025-2026
Évangile du dimanche 19 octobre 2025 – 29e dimanche du temps ordinaire
« Dieu fera justice à ses élus qui crient vers lui » (Lc 18, 1-8)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” » Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Répondre à Sa prière !
Toujours prier sans se décourager…
Dans l’Évangile de St-Luc, cette interpellation se situe entre cette question des pharisiens sur le moment de la venue du Règne de Dieu qui marquera la fin des temps (au chapitre 17) ET sa mort sur la Croix qu’Il vivra bientôt…
Nous habitons cet espace entre cette réalité des finitudes de notre vie et de notre monde… ET ce Don que le Christ fait de sa vie pour nous sauver.
Sa Parole est une Arche d’Alliance qui rend possible la traversée au milieu des eaux de tant de déluges… déluges d’informations, déluges des pertes de repères, déluges d’indifférence, de guerres, déluges de changements climatiques, déluges d’épuisement des ressources et de disparition des espèces, déluges de fatigues…
Sa Parole nous donne aussi d’avancer pour ne pas céder à la nostalgie et à la peur du changement, au danger de la pluie de feu et de soufre où nous expose notre regard en arrière et l’attachement à ce qui ne peut que mourir.
Déluges et feux… Inondations et feux de forêt… Ils ne sont pas que climatiques.
Nos peurs en témoignent…
L’internet est pollué de ces injonctions spirituelles dont le moteur secret est justement la peur devant un monde que l’on décrit comme s’en allant « chez le diable ». Le chaos est réel et les souffrances dont l’homme est la cause sont nombreuses… mais le Regard de Dieu ne doute jamais de nous. Alors même que Jésus sait qu’Il sera mis à mort, Il appelle le surgissement du meilleur de nous-mêmes en nous invitant à la prière persévérante, pour communier à la sienne. Même au milieu des déluges et des feux, Il ne fait jamais de nous les « ténors » de la condamnation du monde et des autres. Les fondements de cette tentation reposent sur notre propre aveuglement sur nous-mêmes. Le jugement et la condamnation sont myopes sur la vie : ils ne font que nous garder dans une lecture engendrée par le mal, celui-là même qui est en nous et qui n’a pas fait l’expérience de la Miséricorde.
Comme l’amour, la prière est une réalité que l’on ne peut posséder. Elle n’est pas un acquis, une possession… dès que nous croyons la tenir comme un contenu, une formule bien récitée, un « faire » ou un « savoir-faire », notre vie se sclérose à travers la mise en bouteille du Souffle… Il ne peut plus souffler dans cette autosuffisance. Éveillant le pauvre en nous où nous pouvons nous laisser guider, la prière respire dans cette rencontre qui nous déloge et nous ouvre un chemin toujours inédit. La prière, comme l’amour n’a pas de bout. Elle nous inscrit sur un chemin à vivre… Ce cheminement parle tout à la fois de notre capacité de marcher… et de l’Appel de Dieu qui veut nous conduire plus loin, jusqu’à cette demeure du plus intime en nous et en Lui. Elle implique cette réalité du dialogue de 2 mystères : le nôtre et Celui de Dieu. Notre prière parle de notre vie, avec sa blessure, ses besoins et son désir profond.
Aux premiers pas de ce cheminement, nous entendons cet appel à persévérer, comme si Dieu était dur d’oreille, comme s’il nous fallait gagner ses faveurs à travers les prières que nous Lui adressons… un peu à la manière de l’enfant qui talonne ses parents pour une faveur en échange d’un service. Nous monnayons la grâce de Dieu en faisant reposer la réponse sur la quantité et la répétition de nos prières. Cette perception est calquée sur la logique de ce monde où il nous faut payer pour obtenir quelque chose… Le ressort de cette logique trouve souvent ses racines dans la blessure que nous portons : nous avons fait l’expérience de ne pas être accueilli et aimé pour ce que nous sommes. Alors, pour être aimé, nous avons choisi de correspondre aux attentes que les autres avaient sur nous afin de « gagner » leur amour. Dans cette logique de marchandage, nous demeurons imperméables à la Gratuité de l’Amour de Dieu et en exil de notre identité.
Pour celui qui devait répondre aux obligations et aux attentes des autres pour être aimé, la prière risque de se construire sur un régime d’obligations à honorer pour mériter les faveurs de Dieu et « aller au ciel ».
Pour celui qui a vécu l’expérience d’une attente souffrante alors qu’il était délaissé ou abandonné à lui-même dans les besoins vitaux qu’il portait, l’attente sera perçue comme un signe de non-amour.
Pour celui qui a assis sa consistance sur le pouvoir, l’avoir ou la gloire, afin d’être enfin reconnu, la Présence de ce Dieu fragile et humble, à la merci des pouvoirs qui le tueront, sera inintelligible…
Celui qui cherche à exister en imposant sa parole comme unique vérité, vivra l’étrangeté de la Parole de Dieu comme irrecevable devant la toute-puissance qu’il accorde à sa propre parole.
Pour celui qui fait reposer sa sécurité sur la pratique de sa vertu et sa conformité aux règles, la Miséricorde de Dieu lui semblera comme une bien étrange injustice…
Il est aussi facile de se servir de la pratique de notre prière pour tout spiritualiser en évitant à tout prix de toucher à la blessure que nous portons et qui nous a tant fait souffrir !!!
Pourtant, c’est ce cri vers Dieu tel que nous l’exprimons, que Dieu accueille.
Il y a sans doute, dans les saisons que notre prière vit, comme un décapage qui fait tomber les idoles dans lesquelles nous avons défiguré le Visage de Dieu. Ce dépouillement n’est pas une surdité de Dieu, mais bien un approfondissement de notre puits, là où Dieu depuis toujours nous attend.
Au regard de ce monde, Il sait que nous voyons ce qui crucifie la vie…
La prière nous fait entrer dans ce Mystère sans mesure que c’est Lui qui est sur cette Croix.
C’est là le lieu de sa plus profonde venue… celle où Il descend dans le mystère de ce qui nous fait mourir…
La question est importante : « …trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
La vraie prière n’est pas faite de formules… elle se fait souvent plus grande au cœur des larmes, dans le souffle d’un cri qui fait son chemin dans un cœur transpercé. Elle est faite de nos ouvertures, de nos résistances et de nos refus… et toujours de son Amour qui ne cesse de se donner. Il se sert même du fil cassé pour tisser la chaude couverture de sa Miséricorde.
L’épreuve la plus grande pour la foi est bien celle de voir le Christ en croix… de voir que le salut qu’Il nous offre passe par ce chemin d’anéantissement où Jésus sera mis à mort et où Il choisira de donner sa vie par Amour pour nous. Là même où le mal et la mort semblent avoir le dernier mot, son Amour, refusant la vengeance, resplendit de Lumière au lieu de la plus grande obscurité. Ainsi, la prière veut nous conduire à nous laisser saisir par son Amour qui veut nous ressusciter là même où nos croix nous ont conduits à l’enterrement de notre vie. Et sa Résurrection nous interpelle à ne jamais baisser les bras.
Faisant ainsi l’expérience de son Amour qui vit le mystère de notre Croix pour nous sauver, notre prière elle-même vit une bascule : elle devient le lieu où nous choisissons d’accompagner le Christ en nos frères et sœurs qui vivent difficilement la traversée de leur vie.
Nous comprenons ainsi que le juge qui refusait d’exercer la justice pour cette veuve qui continuait de le harceler… c’était nous… et que cette veuve pauvre persévérante à réclamer justice, c’est le Christ.
Blaise Pascal, méditant sur l’agonie du Christ, écrivait :
« Jésus a prié les hommes, et n’en a pas été exaucé. »
Notre prière est cette chance de nous laisser saisir par son Amour et de pouvoir enfin Lui répondre…
L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com
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