No 72 – série 2025-2026
Évangile du dimanche 16 novembre 2025 – 33e dimanche du temps ordinaire
« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 5-19)
En ce temps-là, comme certains disciples parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Témoins de foi au cœur de l’éphémère !
Ce que nous admirons sera détruit, même les 7 merveilles du monde. Notre émerveillement n’est pas pour autant sans valeur. Cependant, s’imposent aussi à notre regard les guerres, les cataclysmes, les persécutions… Gaza… l’Ukraine… tant de ruines… comment ne pas être pris en otage par la peur ?
Accueillir sa Parole, celle qui ne mourra jamais… « Ne soyez pas terrifiés ».
Après presque 40 ans de ministère, il m’est arrivé à maintes reprises d’entendre que le monde va mal, que la fin du monde va arriver et que Dieu va faire du ménage dans ce monde chaotique. À chaque fois, la même peur prenait en otage les personnes et les paralysait… Des prophètes de malheur, eux-mêmes effrayés, trouvaient leur consistance à travers la crédibilité qui leur était accordée par leur auditoire. Il s’en trouve aussi chez les croyants. Je me souviens, à l’occasion du passage de l’an 2000, un prêtre avait lui-même donné du crédit à une personne qui disait qu’un grand lac de la région allait se vider et que toutes les résidences qui n’avaient pas la grande croix de Dozulé dans leur cour, allaient périr dans l’inondation engendrée par le déluge des eaux. Dans la peur suscitée par cette annonce, des croyants se rassemblaient dans la résidence du prêtre pour prier. L’événement devait se produire en juillet. Parmi les croyants, deux jeunes adolescents. À l’approche de la date, ceux-ci voulaient demeurer dans la résidence du prêtre pour prier… Ils étaient dans un dilemme : s’ils n’étaient pas dans la maison au moment de l’inondation, ils ne seraient pas sauvés… s’ils y demeuraient, ils iraient au ciel. Les parents, inquiets pour leurs fils, ont voulu aller les chercher… Les adolescents eux-mêmes ne voulaient pas sortir de la résidence… c’est le père qui a dû forcer la porte pour aller les chercher. Rien ne s’est passé, si ce n’est ce drame de la prise d’otage des personnes par la peur qui trouvait son carburant dans la réalité inquiétante de la société.
Sur internet, nous trouvons de ces prophètes de malheur qui font dire, à travers des voix générées artificiellement, l’annonce de la fin du monde : l’abonnement engendré par les algorithmes ajoute encore à la contagion de cette peur. Cette voix alarmante n’est pas celle du Christ. Sans rien minimiser des bouleversements que nous avons à vivre (notre mort en constituera le sommet), le Ressuscité nous invite à ne pas céder à la peur, et à continuer d’avancer en faisant de ce qui nous trouble des occasions de témoigner. Notre histoire n’est pas absurde… Le temps présent a une valeur positive : c’est là que Dieu fait signe.
En regard de la fin du monde, Luc ne situe pas les cataclysmes et les catastrophes comme le signe de la fin des temps[1] : pour lui, ils font partie de l’histoire. Dans la conception juive, la fin du monde n’est pas comme la fin d’une route. Il s’agit plutôt du « dernier mot » des réalités qui nous entourent. Le dernier mot d’une histoire, c’est la leçon qu’on peut en tirer; le dernier mot de la vie de couple, c’est la communion dans la différence; le dernier mot des études, c’est un être épanoui dans son don à travers le travail et sa contribution à la société; le dernier mot de la relation aux autres, c’est un amour qui va jusqu’au pardon. Pour le juif, la fin se trouve déjà présente dans le déroulement de notre histoire et elle se vit au cœur même de la précarité et de la fragilité qui marquent notre vie et notre monde. Nous en faisons l’expérience lorsque nous sommes touchés par l’essentiel : comme si de la périphérie des événements, nous sommes conduits au centre vital. Jésus demeure en ce centre dans l’Amour du Père et son Amour pour nous.
Jésus descendra dans cette destruction à travers sa mort dont notre mal sera la cause. S’il descend ainsi dans notre mort, ce n’est pas pour que nous « engraissions » nos peurs. C’est précisément pour qu’au cœur même de ce qui nous trouble, nous puissions prendre sa main, alors même que le plancher se dérobe sous nos pieds.
Pour qui s’attache au Christ, le monstrueux du mal n’en est que plus grand… Nous devenons encore plus lucides sur les forces de mort présentes, non seulement en termes de fin de notre vie, mais aussi en termes de ce qui est toxique pour notre vie personnelle, celle des autres et celle de la création. Nous entrons ainsi dans la conscience de la démesure du Salut dont nous avons besoin pour qu’enfin le Corps du Christ soit rassemblé dans l’Amour.
La Parole d’éternité du Christ nous éclaire. Ce n’est pas une lumière décoratrice pour nous distraire de ce qui va mal. Cette Lumière nous ouvre un chemin de Salut et d’engagement où nous sommes invités nous-mêmes, sous la Force de son Amour, à devenir des témoins qui choisissent de devenir créateurs, dans le sillage du Christ qui nous sauve et ne désespère jamais de nous.
Lorsqu’une personne s’électrocute en touchant un fil électrique avec sa main, le réflexe spontané qui surgit est celui de serrer le fil qui lui transmet le courant et l’expose à la mort.
Guerres, famines, épidémies, persécutions, désordres de toutes sortes, phénomènes effrayants… tout cela et bien plus… suscitent des peurs bien légitimes. Autant de lieux où nous pouvons demeurer victimes passives, prisonnières de cette peur qui trouve si facilement à se nourrir. Si nos peurs sont ainsi éveillées par tout ce qui nous bouleverse, c’est pour qu’elles soient elles aussi évangélisées. Nous n’appartenons pas à la peur mais bien au Christ qui nous sauve. Comme les ténèbres attendent la lumière, Il nous invite à témoigner en rayonnant de cette foi qui est l’envers de la peur et qui fait de nous les complices de son Œuvre : celle-là même qui n’a pas de date d’expiration et nous tisse d’éternité.
Ce que nous contemplons et nous émerveille au cœur de ce monde, est déjà marqué d’une date d’expiration. Dans sa Parole, retrouvons cette foi qui nous donne de devenir témoins et créateurs au cœur même de l’éphémère et du périssable où Il veut nous conduire par son Amour à ce qui ne pourra jamais mourir. Nous n’avons même pas à nous préoccuper de notre défense !
L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com
[1] Au moment où Luc écrit, le Temple est incendié, Jérusalem est détruite par l’armée romaine et les croyants sont persécutés.
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