No 219 – série 2024-2025

Évangile du mardi 29 avril - Sainte Catherine de Sienne

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3, 7b- 15)

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème: «Il vous faut naître d’en haut. Le vent souffle où il veut: tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit.» Nicodème reprit: «Comment cela peut-il se faire?»
         Jésus lui répondit: «Tu es un maître qui enseigne Israël et tu ne connais pas ces choses-là? Amen, amen, je te le dis: nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage.
         «Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel? Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle.»

Méditation - Voir pour la première fois

L’entretien nocturne que Jésus accorde à Nicodème renouvelle la visite de Dieu à Adam et Ève au jardin d’Éden : « Ils entendirent la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour. » (Gn 3,8) Hier comme aujourd’hui, Dieu aime à visiter notre âme. « Dans la brise vespérale du paradis, Dieu converse avec Adam : invisible, mais sensible et pénétrant tout, comme le vent. En lui nous vivons, nous nous mouvons, nous sommes. » (1) Dans un souffle enveloppant, Dieu se rend présent dans « le murmure d’une brise légère » (1 R 19,12). La conscience n’est pas froissée par ce murmure, elle est rafraîchie de l’intérieur par un amour qui nourrit. La métaphore du « vent » dit bien que Dieu ne force rien, mais parle de l’intime. Il met en œuvre une Sagesse qui est « un esprit intelligent et saint, (…) ami du bien. La Sagesse, en effet, se meut d’un mouvement qui surpasse tous les autres ; elle traverse et pénètre toute chose à cause de sa pureté. » (2)

Cette brise légère de la conscience est la première victime du tapage généralisé de notre époque. Le « clash », le « buzz » envahissent d’obsessions nos esprits brisés. Contre le vacarme qui assombrit, il faut réapprendre le silence de Dieu comme une langue, d’abord étrangère, que l’on découvre après coup comme notre langue maternelle. Face à certaines âmes lumineuses, on pressent que le silence de Dieu accueille et repose. Le curé de campagne du roman de Georges Bernanos écrivait : « j’imagine le silence de certaines âmes comme d’immenses lieux d’asile. Les pauvres pécheurs, à bout de forces, y entrent à tâtons, s’y endorment, et repartent consolés sans garder aucun souvenir du grand temple invisible où ils ont déposé un moment leur fardeau. » (3) Le vent silencieux de l’Esprit vivifie et apaise dans le mystère.

Ce vent désarme notre savoir et bouscule nos manières. Pour nous rassurer, nous disposons toutes choses comme des pions à manipuler. Mais, face à Dieu, cette avidité… c’est ce qu’il faut désapprendre pour entendre le langage de l’Esprit : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » Ce vent sans matière saisissable invite à une dépossession. Cette quête amoureuse de Dieu est, par rapport à nos critères modernes, une approche pudique de ce qui est trop grand pour nous. C’est une inconnaissance.

Cet Esprit qui me dépasse fait « toutes choses nouvelles » (Ap. 21,5). À son contact, tout sort renouvelé. L’éternité de Dieu déchire notre temps. « Plus Dieu se donne à moi, m’emplit de sa présence, et plus je le découvre nouveau, inépuisable, plus je m’élance vers lui comme l’épouse du Cantique. (…) L’éternité, c’est de découvrir l’autre comme un « en-dedans » aussi secret, vivant, insondable que la présence totale de Dieu et ma présence à moi-même. » (4)

Dans une poésie intitulée « Ce que je verrai bientôt pour la Première fois !… », Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus imagine son premier contact avec l’autre vie :

« Lorsque je rêve aux joies de l’autre vie
De mon exil je ne sens plus le poids
Puisque bientôt vers ma seule Patrie
Je volerai pour la première fois !……. »

Puis, dans une autre strophe, l’expression « pour la première fois » prend un autre sens et désigne la capacité régénératrice de l’amour divin. Sans cesse, l’éternité renouvelle le miracle de la première fois. Aimer, être heureux en Dieu suscitent le sentiment émerveillé du renouveau :

« Au Ciel, toujours enivrée de tendresse
Je t’aimerai sans mesure et sans lois
Et mon bonheur me paraîtra sans cesse
Aussi nouveau que la première fois ! ! !…. » (5)

Qu’est-ce que l’éternité ? Ici-bas, n’est-ce pas l’apprentissage de l’infini ? C’est-à-dire naître de nouveau, se découvrir vivant face à du neuf.

« Miracle de la première fois : la première fois que tu as senti que cet homme serait ton ami, la première fois que tu as entendu, enfant, jouer cette musique qui t’a déchiré, la première fois que ton fils t’a souri, la première fois… Puis, on s’habitue. Mais l’éternité, c’est de se déshabituer — et plus je connais Dieu et l’autre dans sa lumière, plus Dieu se révèle, et l’autre aussi, bien-heureusement inconnus. » (4)

Vincent REIFFTSECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

Notes :

(1) Von Balthasar,  Le chrétien et l’angoisse, (p.132).
(2) Livre de la Sagesse, chapitre 7,22-24.
(3) George Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Plon, 1974, pp.306-308.
(4) Olivier Clément, Questions sur l’homme, Stock, 1972, (p.65-66).
(5) Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, Poésie de 1896, « Ce que je verrai bientôt pour la Première fois !… », (PN 33, Extrait des strophes 1 et 4).


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