No 86 – série 2025-2026

Évangile du dimanche 30 novembre 2025 – 1re dimanche de l’Avent

Veillez pour être prêts (Mt 24, 37-44)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme. En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Sa Venue attend un berceau !

Sur ce chemin qui conduit à Noël, quelle attente m’habite ?

L’attente peut se vivre comme un temps qui nous use, quelque chose où nous sommes passifs, où l’épreuve du temps constitue un obstacle de plus à traverser, sous le poids des urgences ou de tout ce qui est à faire… ou dans la souffrance de situations qui nous font perdre pied… ou dans l’absence de ce qui pourrait donner de la saveur à notre vie… Nous voudrions fuir le réel… On traverse la semaine pour enfin arriver à la fin de semaine… On s’épuise au travail pour ramasser l’argent qui nous permettra de décrocher à travers un voyage dont le coût aura été assumé par un surcroît de travail et de dettes. Notre survie, sur un respirateur artificiel.

L’attente peut aussi devenir un espace d’écoute au cœur même du réel où nous sommes plongés. Il ne s’agit plus alors de fuir à tout prix l’inconfort et les malaises que nous vivons. Il s’agit d’une disposition intérieure, d’une posture où l’écoute prime sur nos propres visions, où la présence se tisse dans l’inconfort et où, sans pouvoir le définir, quelque chose d’autre peut survenir. Parce que nous croyons qu’Il vient, notre attente vient forer ce puits intérieur où, en accueillant ce que nous vivons, nous pouvons nous laisser creuser pour nous approcher de la source qui traverse le roc « microfissuré ».

Notre attente profonde peut aussi entrer en hibernation, dans une somnolence inconsciente ou entretenue… Notre écoute devient anesthésiée par cette routine qui dissout le relief de ce qui nous est donné à vivre. Comme si le réel n’avait plus d’aspérités… qu’il devenait insipide… notre écoute s’amenuise… jusqu’à faire taire la Parole qui y respire… Le réel ne nous parle plus… En nous assoyant sur la branche fragile d’un quotidien où ronronnent nos habitudes et nos manières de nous vivre, nous oublions la Présence de Celui qui vient. Ce en quoi nous avons mis notre sécurité, devient, ce qui nous vole le sens de notre vie. Qu’est-ce que Dieu nous a dit cette semaine ? Quelle venue de sa Grâce ai-je expérimentée ? Les nuits que nous traversons peuvent si facilement nous conduire au sommeil. À quoi sert une symphonie ou une œuvre d’art de grande valeur pour un distrait ou pour quelqu’un qui dort ?

Notre écoute peut aussi être kidnappée par ce qui va mal : une maladie, une catastrophe, un accident, un décès, une dépression, une situation financière en souffrance, une perte d’emploi… Du jour au lendemain, nous voilà pris de court et notre vie bascule… Le danger d’être engloutis tient au déluge bien sûr, mais aussi à une manière de nous vivre qui nous rend encore plus vulnérables : croire le mal qui nous arrive.

Mais voilà : au plus profond de ce réel, le Seigneur vient ! Et c’est parce qu’Il vient qu’il nous faut sortir de nos torpeurs et nous tenir prêts pour sa Venue. De manière surprenante, le Christ vient lever le voile sur le précieux de ce temps.

L’histoire a un sens, elle n’est pas un perpétuel recommencement. Le temps est fécondé par ce « Tout est accompli! » et le salut s’approche de nous. Il n’est pas précieux seulement pour le terme où il nous conduit, mais aussi pour la possibilité qu’il nous offre de pouvoir construire maintenant une arche que Dieu Lui-même appelle dans son Désir de nous sauver.

À la manière de Noé, nous pouvons saisir le temps présent pour « embarquer » dans cette Alliance que Dieu nous offre. Cette foi peut paraître aussi étrange que le fait de bâtir une arche sur la terre ferme, mais c’est elle qui nous donne d’avancer sur les eaux qui ont le pouvoir de nous engloutir ou de nous engourdir.

Le danger serait de croire que, parce que nous l’avons déjà accueilli, parce que nous sommes croyants ou pratiquants, nous saisissons ou possédons le mystère. Cette montée vers Noël n’est pas un simple rappel historique. Elle appelle en nous un accueil plus grand, une ouverture à l’inédit que Dieu Lui-même veut réaliser de manière surprenante en nous. Sa Parole nous invite à veiller pour nous laisser saisir par sa Venue.

Au cœur de nos nuits et de celles de notre monde, nous sommes invités à nous rendre disponibles au Souffle de l’enfance, à même la terre ferme de notre quotidien.

Éveillés par la certitude de sa Venue, le temps nous façonne dans l’atelier de la nuit…

« C’est dans l’atelier de la nuit – et avec la nuit même – que l’on prépare, que l’on compose les couleurs du matin. »[1]
« La nuit est un métier à nous tisser le Jour. »[2]

Dans cette société où l’on carbure aux sensations et aux émotions fortes, l’attention à ce qui est discret, à ce qui s’exprime dans le silence, emmaillotté de nuit, est aussi un appel à nous retrouver et à descendre en nous, là où nous pouvons laisser résonner la Parole et les événements… accueillant le temps comme le ventre d’une gestation…

C’est vers Noël que ce présent veut nous conduire… Vers une venue nouvelle, vers cette naissance du Christ au profond de nos vies. Le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants.

Dieu fait irruption de manière inattendue, imprévisible… Il est le Tout Autre !… Il appelle un agir neuf et étrange… construire une arche sur la terre ferme… Veiller dans la nuit… et découvrir qu’Il vient vers nous.

Alors qu’on l’attendait comme le Messie qui vaincrait l’oppresseur, qui chasserait la souffrance, et qui imposerait sa force, Il est venu… humble et fragile, préférant notre nuit à son ciel. Il inscrivait une fécondité dans la déroute d’un couple… Il n’y avait pas de place pour Lui dans la salle commune… ce lieu que nos attentes connaissent bien.

En faisant mémoire des rencontres qui nous ont le plus marqués, nous savons déjà l’inusité et la surprise où nous nous sommes retrouvés devant ce qui s’est passé. Une certaine qualité de présence et d’écoute a permis l’irruption soudaine d’une vie que l’on ne pouvait même pas imaginer.

Le temps présent est une grâce… Il est l’incubateur d’une rencontre nouvelle avec soi, avec les autres et avec Dieu. Est-ce que nous l’habiterons ce temps en laissant se creuser en nous une écoute de l’étoile qui est l’intime de la nuit et annonce sa Venue ?

Plus loin que cette attente qui marque notre propre vie, c’est Lui qui attend en nous un berceau !

Sortis de notre sommeil, dépouillés des monuments de nos sagesses, de nos sécurités et de nos distractions, nous pourrons lui offrir cet espace neuf, creusé au milieu de la paille… Il sera là… enveloppé de nuit… Son Souffle nous réchauffera… Loin de la salle commune où nous cherchions un abri pour Lui, nos yeux s’illumineront de sa Clarté, dans cette Joie d’une pauvreté habitée et sauvée. Émerveillé, notre cœur saura pour quel Enfant il était né !

L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com


[1] « Étincelles II, 2003-2005 », François Cassingena-Trevedy, , Éditions Ad solem, 2007, p. 302

[2] « Étincelles I », François Cassingena-Trevedy, , Éditions Ad solem, 2004, p. 15



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