No 75 – série 2025-2026
Évangile du mercredi 19 novembre 2025 – 33e semaine du temps ordinaire
« Pourquoi n’as-tu pas mis mon argent à la banque ? » (Lc 19, 11-28)
En ce temps-là, comme on l’écoutait, Jésus ajouta une parabole : il était près de Jérusalem et ses auditeurs pensaient que le royaume de Dieu allait se manifester à l’instant même. Voici donc ce qu’il dit : « Un homme de la noblesse partit dans un pays lointain pour se faire donner la royauté et revenir ensuite. Il appela dix de ses serviteurs, et remit à chacun une somme de la valeur d’une mine ; puis il leur dit : “Pendant mon voyage, faites de bonnes affaires.” Mais ses concitoyens le détestaient, et ils envoyèrent derrière lui une délégation chargée de dire : “Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous.”
Quand il fut de retour après avoir reçu la royauté, il fit convoquer les serviteurs auxquels il avait remis l’argent, afin de savoir ce que leurs affaires avaient rapporté. Le premier se présenta et dit : “Seigneur, la somme que tu m’avais remise a été multipliée par dix.” Le roi lui déclara : “Très bien, bon serviteur ! Puisque tu as été fidèle en si peu de chose, reçois l’autorité sur dix villes.” Le second vint dire : “La somme que tu m’avais remise, Seigneur, a été multipliée par cinq.” À celui-là encore, le roi dit : “Toi, de même, sois à la tête de cinq villes.” Le dernier vint dire : “Seigneur, voici la somme que tu m’avais remise ; je l’ai gardée enveloppée dans un linge. En effet, j’avais peur de toi, car tu es un homme exigeant, tu retires ce que tu n’as pas mis en dépôt, tu moissonnes ce que tu n’as pas semé.” Le roi lui déclara : “Je vais te juger sur tes paroles, serviteur mauvais : tu savais que je suis un homme exigeant, que je retire ce que je n’ai pas mis en dépôt, que je moissonne ce que je n’ai pas semé ; alors pourquoi n’as-tu pas mis mon argent à la banque ? À mon arrivée, je l’aurais repris avec les intérêts.” Et le roi dit à ceux qui étaient là : “Retirez-lui cette somme et donnez-la à celui qui a dix fois plus.” On lui dit : “Seigneur, il a dix fois plus ! – Je vous le déclare : on donnera à celui qui a ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi.” »
Après avoir ainsi parlé, Jésus partit en avant pour monter à Jérusalem.
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
Méditation – Un certain éclat !
Dans son roman Avec vue sur l’Arno, l’écrivain E. M. Forster imagine la fougueuse Lucy Honeychurch fiancée à un intellectuel égocentrique Cecil Vyse. Lors d’un voyage à Florence, la jeune Lucy rencontre George Emerson, un jeune homme sensible et sportif. Ce dernier, pétillant de vie, retient l’attention de la jeune fille alors que le morne Cecil l’ennuie sans que son orgueil de jeune fille n’ose se l’avouer. Comme Cecil est d’une lignée prestigieuse, toute la famille Honeychurch vante leur prochain mariage. Quelle chance pour la famille ! Pourtant, des amies rencontrées en Italie, les vieilles demoiselles Alan observent les deux fiancés et restent dubitatives… Que manque-t-il à Lucy et Cecil ? Ces vieilles demoiselles Alan s’alarment d’une chose passée inaperçue de tous : la relation entre Cecil et Lucy « manque d’éclat ». Leur remarque ne suscite qu’une condescendante consternation. Néanmoins, les demoiselles Alan visent juste ! L’amour de Lucy et de Cecil manque de royauté. Où est le rayonnement ? Où est la splendeur ? L’amour véritable s’accomplit dans quelque chose de royal !
Dans cette parabole, Jésus parle de la royauté des fils et des filles de Dieu. Le Christ est cet « homme de la noblesse » venu du « pays lointain » du Père pour « revenir ensuite » nous partager sa royauté. Dans cette parabole, l’homme noble ne retient pas jalousement la puissance royale (Ph 2,6). Mais, dans son amour, il est impatient de confier « l’autorité sur dix villes » à l’un et de placer l’autre « à la tête de cinq villes ». Cette prodigalité de Dieu se renouvelle à chaque baptême lorsque le néophyte entre dans la royauté du Père. Le baptême nous fait « prêtre, prophète et roi ».
Aujourd’hui, il est difficile de comprendre la symbolique de la noblesse et de la royauté. À notre époque, les têtes couronnées défilent à la une des tabloïds… Il y a deux milles ans, était-ce mieux ? Jésus remarquait que les grands faisaient peser leur pouvoir sur les faibles (Mt 20,25) et il qualifiait le roi Hérode de « renard » (Lc 13,32). Les rois de la terre ont besoin d’une couronne pour que quelque chose brille sur leur tête. Ils ont besoin d’un château pour avoir le sentiment d’habiter le monde. Pourtant, la royauté est un symbole spirituel de premier ordre.
La vie chrétienne resplendit d’un éclat, d’une tenue, d’une grandeur qui disent un je ne sais quoi du ciel. En effet, Dieu vit à l’intérieur de nous sous la forme d’une présence somptueuse. C’est dans l’expérience de la vie intense que nous nous découvrons fils et roi. C’est bien ce que vécurent les disciples d’Emmaüs : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait sur la route ? » (Lc 24,32). Ils reconnurent Dieu à la brûlure qu’Il laisse dans le cœur. Dans un don d’amour et de densité, notre présent se fait présence. L’existence se concentre, elle se rassemble autour d’un centre qui rayonne. À l’intime de moi-même, Dieu est cet étranger qui me parle. Contre toute attente, je découvre qu’en moi, un homme noble venu d’ailleurs me grandit, me couronne de dignité et me délègue la gérance du monde.
Du point de vue de Dieu, la royauté est liée à la capacité de vivre en frères. La royauté déléguée aux hommes consiste à être frères sous le regard du Père. Joseph, dans la Genèse, est l’exemple de l’homme établi comme roi pour gouverner : « Pharaon dit à Joseph : Vois, je te donne le commandement de tout le pays d’Égypte. » (Gn 41,41). Habile gestionnaire, Joseph permit à l’Égypte de traverser une famine de sept années. Mais, la véritable royauté de Joseph consiste à rétablir la fraternité au sein de sa famille d’origine. Lui, le dernier né, favori de Jacob, avait attiré la jalousie de ses frères qui le vendirent comme esclave. La tragédie de Caïn meurtrier de son frère Abel se rejouait donc. Mais, Joseph réussit à faire progresser la fraternité. Devenu roi en Égypte, Joseph ne mit pas son pouvoir au service de la vengeance : lorsque ses frères affamés vinrent auprès de lui acheter du blé, il s’ingénia à retisser les liens rompus de la fraternité. Face à ses frères auxquels il pardonne, Joseph, « gouverneur de tout le pays d’Égypte », agit en « père » (Gn 45,8) et recoud la fraternité déchirée.
Être gardien de son frère, tisser la fraternité… voilà la véritable royauté issue du Père. Dans la vie spirituelle, la royauté est une boussole : nous existons pour que notre vie brille de l’intérieur. Une couronne d’or n’éclaire pas. Seule la lumière spirituelle éclaire de l’intérieur. Jésus est cet homme noble venu de loin pour renouer la fraternité. Face à ceux qui refusent Son règne, Jésus monte sur la croix qui est le Trône à partir duquel Il demande au Père le pardon.
Vincent REIFFSTECK – vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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