No 41 – série 2025-2026

Évangile du jeudi 16 octobre 2025 – 28e semaine du temps ordinaire

« Cette génération devra rendre compte du sang de tous les prophètes depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie » (Lc 11, 47-54)

En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que vos pères les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous approuvez les actes de vos pères, puisque eux-mêmes ont tué les prophètes, et vous, vous bâtissez leurs tombeaux. C’est pourquoi la Sagesse de Dieu elle-même a dit : Je leur enverrai des prophètes et des apôtres ; parmi eux, ils en tueront et en persécuteront. Ainsi cette génération devra rendre compte du sang de tous les prophètes qui a été versé depuis la fondation du monde, depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, qui a péri entre l’autel et le sanctuaire. Oui, je vous le déclare : on en demandera compte à cette génération. Quel malheur pour vous, docteurs de la Loi, parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance ; vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés. »
Quand Jésus fut sorti de la maison, les scribes et les pharisiens commencèrent à s’acharner contre lui et à le harceler de questions ; ils lui tendaient des pièges pour traquer la moindre de ses paroles.

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Bâtir les tombeaux, ensevelir le religieux

Aujourd’hui, les paroles du Christ résonnent de leur dureté. Elles résonnent et ébranlent par leur actualité, par leur aujourd’hui. Je vis au Québec, certainement un avant-poste du dévoiement d’une laïcisation désacralisante, hédoniste et réifiante. Elle conquiert sans résistance l’ensemble de l’Occident, l’ensemble de notre quotidien. Au Québec, en ce lieu où les demandes d’aide médicale à mourir, c’est-à-dire l’euthanasie, connaît la hausse la plus forte au monde bien qu’elle n’existe depuis moins de 10 ans, la laïcité nous la présente comme un soin. Au Québec, ce lieu où la confusion identitaire engloutit de plus en plus d’enfant en toute légalité, des jeunes de moins de 14 ans ont accès à des hormones dans l’ignorance de leurs parents et à des interventions mutilantes comme une mastectomie sans le consentement de leurs parents. La laïcité affiche son air triomphant sur le corps mutilé des enfants, sur le corps refroidi des aînés. La laïcité rit aux éclats dans le silence des prophètes tués qui imploraient la dignité et la pleine humanité. D’ailleurs qui connaît encore ici, un Osée ou un Jérémie ? La laïcité déferle, brûlant les terres sacrées et passées du religieux, dénigrant la tradition jusqu’à l’ériger en mausolée sous couvert de délivrance.

C’est ainsi que l’idée politique de la juste place des croyances et de leur convivialité s’est muée sous l’impulsion des intérêts qui imposent une pensée unique en bâtisseuse de tombeaux pour tous les styles et tous les budgets. Cette fermeture au religieux et plus particulièrement au catholicisme ici, nous coupe de sagesses millénaires qui infuseraient dans la conversation publique une dimension réhumanisante à l’égard des grands enjeux de société. Ce jointement à soi, aux autres, aux morts, à la Création et à ce qui nous dépasse appartient à la beauté du monde, à la profondeur humaine si divine, à la résistance spirituelle qui ne se monnaie pas. Ces liens, même invisibles, qui nous relient au creux de notre humanité sont les conditions de la vérité, celle-là même qui libère.

Vivre, par consentement, dans ce mensonge puissant et vicieux d’un progrès techno-capitaliste instrumentalisant, drapé des oripeaux de l’épanouissement individuel et collectif, c’est taire cette mémoire, c’est taire la souffrance mémorielle et le cri immémorial de l’humanité qui nous précédée. C’est taire encore ce désir de Dieu, le désir d’un Tout Autre ouvrant sur un horizon de paix et de fraternité. Ce désir charrié, ces efforts déployés depuis l’aube de l’humanité sous le souffle de Dieu. Résister en s’extirpant spirituellement du mensonge par le geste et la prière. Le geste et la prière sont cette voie pour vivifier ce qui s’efface, pour faire éclater ce qui se tait, pour recevoir la Vie, redonner le vivant plutôt que s’éteindre en consommant et en se consumant.

Pour reprendre les mots de Jean-Claude Ravet dans son dernier ouvrage, La nuit et l’aube (Nota Bene, 2024, p. 107) : « L’effacement de ces voix, avec le religieux, ne peut qu’enfermer dans les geôles du présent, sans plus de nuit ni d’issue; des geôles qui ne sont supportables que si l’on consent à habiter l’oubli ». Devoir de mémoire, devoir de prière, résister pour réhumaniser, voilà notre responsabilité.

Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org


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