No 37 – série 2025-2026

Évangile du dimanche 12 octobre 2025 – 28e dimanche du temps ordinaire

« Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 11-19)

En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Méditation – Relève-toi et va ! Ta foi t’a sauvé !

Dans cette tension vers Jérusalem, ville où Jésus sera mis à mort, voilà qu’Il traverse ce lieu entre la Samarie et la Galilée… un lieu intermédiaire. C’est là que les lépreux se trouvent. Si Jésus va vers sa mort, eux, ils sont aussi des condamnés, des exclus de toute relation. Ils devaient demeurer à l’extérieur de la ville, en criant « Impur, impur » afin que quiconque passant à proximité ne soit pas en contact avec eux. Ils ne devaient jamais s’approcher des autres et étaient exclus de toute relation. Ils étaient confinés dans un espace qui est un « no man’s land ». La lèpre était aussi considérée comme une maladie incurable, dont seul Dieu pouvait guérir. Elle portait un jugement moral sur la personne comme « pécheresse ».

Les lépreux enfreignent les consignes qui les concernent : bien qu’ils restent à distance, ils se mettent à crier vers Jésus : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » : ils cessent de se faire les « haut-parleurs » de leur impureté.

À travers ce chemin de la parole, ils rejoignent Jésus qui entend leur cri. Sans même s’approcher d’eux, en accueillant ce qu’Il voit, Il les invite à aller se montrer aux prêtres qui avaient le pouvoir de réintégrer les personnes au sein de la communauté. Il les invite donc à se mettre en route à la lumière d’une promesse de guérison, puisqu’Il les renvoie aux prêtres, sur ce chemin où ils deviennent nécessairement en rencontre de ces autres qui les ont jugés. Ils sont ainsi placés dans l’incontournable rencontre qui, dans le passé, les a condamnés à l’exil de l’exclusion.

La guérison n’est pas spontanée… c’est en cours de route. Comme s’il fallait marcher à la lumière de la promesse avant d’en expérimenter les fruits, n’ayant pour seul appui que la Parole de Jésus, prononcée à distance…

Ce territoire « entre-deux », fait de jugement et d’exclusion, abime la perception de notre identité, nous rendant fragiles à la conviction de notre « impureté », à cause du mal qui nous atteint.

À travers les regards qui nous ont blessés, nous avons adhéré au jugement des autres sur nous. Nous avons « cru » à cette parole de jugement dont nous nous sommes servis pour nous retrouver dans l’enfer de l’absence. Ainsi, notre propre parole a méprisé notre identité, en nous identifiant à la difficulté ou à la souffrance qui a suscité le rejet et l’éloignement des autres.

Cet « entre-deux » nous parle aussi de ces périodes de transition propices à nous faire douter de ce que nous sommes.

Un jeune qui se questionne sur son avenir… une perte d’emploi… un nouvel arrivant inquiet, en attente de l’obtention de son statut de résident permanent ou de son permis de travail… une personne qui vit une séparation au sein de son couple… celle qui vit difficilement la transition à la retraite… la personne malade qui vit la bascule vers une vie qui ne peut plus se définir par le travail… celle qui vit une situation de pauvreté… celle qui vit l’intensité d’un questionnement où elle prend conscience qu’elle ne peut plus vivre comme avant… celle qui est épuisée, en dépression ou avec un verdict de problème de santé mentale… celle qui vit la souffrance d’un deuil… Tant de cris encore enfouis dans la gorge !

La souffrance est d’autant plus grande qu’elle se vit dans le silence, par crainte du jugement des autres.

Notre cri fait se déchirer le voile de silence qui emprisonne notre vie. Le Christ voit ce que nous vivons… ce dont nous souffrons… même au creux de la distance qui semble encore nous séparer de Lui. De façon déroutante, Il nous invite à nous mettre en route, la lèpre au corps, pour retrouver la communion avec les autres… s’exposant ainsi aux regards qui nous ont déjà jugés.

Comment choisir d’avancer malgré tout, avant même d’être guéri ? Pourquoi est-ce si long avant d’avoir la certitude d’une communion possible au cœur de notre faiblesse ? Si nous étions « réparés » tout de suite, nos pas seraient plus légers ! Nous voudrions des solutions toutes faites… des réponses…

Et voilà qu’à travers ce cheminement sous le soleil de la promesse, nous sommes conduits à la guérison dont l’aboutissement sera enfin la communion retrouvée, le tissage d’une couverture où notre nom et celui de l’autre pourront se dévoiler peu à peu.

Mais, sur les 10 lépreux guéris, un seul revient… un Samaritain en plus !

Le chemin vers les prêtres, s’il est le chemin de la réintégration dans la communauté, est aussi le chemin vers la Loi. Cet univers est plus petit que celui de l’Amour du Christ… et s’il peut en être une étape, spécialement pour la personne qui a été exclue au nom de cette même mentalité légaliste et froide, il n’en demeure pas moins qu’elle demeure bien en-deçà de l’horizon ensoleillé que le Christ nous ouvre.

Revenir sur ses pas… un seul des lépreux guéris le fait. Bien sûr, les autres avaient sans doute à reprendre le temps perdu, voir les personnes qu’ils n’avaient pas vues depuis si longtemps… et puis le travail… et tant de choses à faire…

Revenir sur ses pas… pour reconnaître l’Agir de Dieu et Lui rendre grâces… Demeurer ainsi sous l’Action de la Grâce. Je repense à cet homme, avancé en âge, qui m’avait demandé l’onction des malades… Dans l’état de grande fragilité qui était le sien, il m’invite à entrer dans sa chambre. Il s’arrête… et en me montrant, à côté de la photo de sa petite fille, un dessin qu’elle lui avait fait déjà depuis quelques mois, il me dit, les yeux pleins d’eau… « Ça se peux-tu s’aimer comme ça ! ». Sans même être prisonnier de la fragilité de son corps et de son être, il demeurait devant le don de cet amour vivant entre sa petite fille et lui. Cet amour éveillait cette Source dont ses mots et ses larmes portaient le témoignage. Même l’écoulement des mois ne parvenait pas à lui faire oublier ce qui était déjà chemin d’éternité.

C’est à ce moment que j’ai compris ce que voulait dire : demeurer devant le don reçu… même au cœur de la conscience de notre fragilité.

Revenir sur ses pas… C’est aussi et surtout, entrer dans la relecture de notre histoire, libérer la parole muselée par ces jugements qui nous ont emmurés dans le « no man’s land », permettre à notre blessure de se dire pour que nous puissions entendre le battement de notre cœur, et retrouver le Christ qui nous redit : « Relève-toi et va ! Ta foi t’a sauvé. »

Découvrir qu’avec cette part lointaine de notre être, ce Samaritain présent en nous, nous voilà aux pieds de Jésus, dans cette gratitude infinie pour son Amour qui nous sauve.

Nous serons toujours fragiles à nous servir de la Loi, dont les critères extérieurs sont les seuls instruments de mesure, qui nous conduisent souvent à nous « exclure » de la communion. D’ailleurs, même ce Samaritain « guéri » courait le risque de ne pas être accueilli par les prêtres, pour qui, de toute façon, il était un hérétique.

Sur la Parole du Christ, nous sommes invités à franchir la barrière qui nous sépare de notre être, de la vie et de la communion. Encore fragile du poids des jugements d’exclusion (en nous ou à l’extérieur de nous), nous sommes invités à entrer dans ce lent cheminement où sa Grâce est à l’œuvre et ne nous abandonne jamais. Nous ne sommes pas la source de notre guérison, mais notre liberté est interpellée à oser avancer sur sa Parole, dans la Lumière de sa promesse, déposée au creux de notre cri.

À ses pieds, dans l’accueil de sa Miséricorde, Il nous révèle que notre foi nous sauve ! C’est vers notre identité et notre « être-parole » qu’Il guide nos pas.

Et qui sait ? Même les grands prêtres, en voyant les lépreux guéris, auront devant les yeux ce que la Loi est demeurée impuissante à sauver. Ils n’auront que quelques pas à faire avec leur faiblesse et leur impuissance pour se retrouver aux pieds de Jésus, toujours prêt à confirmer la foi qui ouvre l’avenir.

Allez ! « Relève-toi et va ! Ta foi t’a sauvé ! »

L’abbé Paolo – maheux.paolo@gmail.com


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