No 220 – série 2024-2025

Évangile du mercredi 30 avril Sainte Marie de l’Incarnation

« Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux! » Matthieu (5, 1-12a)

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait: «Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
«Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
«Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux!»

Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.

Veuillez noter que les méditations en format audio sont temporairement indisponibles et seront de retour à partir de la semaine du 12 mai. Merci de votre compréhension !

Méditation – « Humiliée du souffle et matricielle-matriciée » : s. Marie de l’Incarnation

Je propose aujourd’hui de prendre la route méditative des Béatitudes à la suite du Christ en compagnie de sainte Marie de l’Incarnation[1], dont l’Église commémore aujourd’hui son retour vers le Père, mais célèbre avant tout sa présence vivifiante au cœur de notre vie spirituelle et ecclésiale. De fait, comme Carl Bergeron le stipule : « N’allons pas croire, naïfs que nous sommes, que Marie est morte en 1672 et qu’elle s’est arrêtée là. La sainteté veut toujours croître, et ses accroissements montrent qu’elle est véritable. Du plus profond de notre histoire, elle nous appelle de son nom prédestiné attendant de nous une réponse d’Incarnation[2] ».

Celle que Bossuet a tendrement surnommé la « Thérèse du Nouveau Monde », demeure pour nous, non seulement une véritable disciple imprégnée et imitatrice du Christ, Maître-Époux, mais également une « maîtresse de vie spirituelle » qui accompagne et conduit de manière « éternellement présente » notre marche vers Dieu notre Père. Ayant vécu tous les états de vie : épouse, mère biologique et spirituelle, veuve, femme d’affaires, vie religieuse consacrée, Mère-fondatrice des Ursulines, éducatrice, mystique et missionnaire, tout un chacun peut être rejoint et interpellé, d’une manière ou d’une autre, par sa vie et par l’ensemble de son œuvre.

Tout un chacun peut se mettre en marche pour Voir se réaliser avec elle et à travers elle la figure béatifique de notre humanité accomplie en Dieu trinitaire, qu’on appelle la sainteté, et à laquelle nous sommes tous et toutes appelés. Une brève incursion au cœur de ses écrits et relations épistolaires nous montre à quel point elle a notamment « marché » sa v(V)ie en « humiliée du souffle », pour reprendre la traduction de Chouraqui de la première Béatitude (« heureux les pauvres de cœur », v. 3) et « la base de toutes les autres[3] » selon le regretté Pape François, mais aussi en « matricielle-matriciée », en réceptacle et source vive d’un Amour miséricordieux « jusqu’aux entrailles » qui donne v(V)ie en plénitude, selon la traduction de Chouraqui de la Béatitude de la miséricorde du v. 7.

En ce sens, je nous propose ici d’accueillir avec grâce et de méditer avec foi, amour et espérance quelques pépites de ses paroles toutes imprégnées de l’E(e)sprit des Béatitudes : « Est à remarquer que dans la voie de Notre-Seigneur a toujours tenue sur moi pour ma conduite spirituelle, que le Saint-Esprit m’a toujours […] donné pour principe les maximes de l’Évangile » (La Relation de 1654, LX[4]). « Et, pour commencer, oserai-je dire que la bonté et la magnificence de mon divin Époux m’a fait la grâce de me communiquer les effets des divines paroles qu’il a dites dans son sacré sermon des huit béatitudes. […] [S]a miséricorde m’en fit connaître […] l’expérience de ce que l’Esprit de Dieu voulait faire dans mon âme et à mon esprit pour lui faire expérimenter le substantiel de cette véritable pauvreté d’esprit, pour les réduire à l’unité […] en la plus noble portion d’elle-même » (La Relation de 1654, LXV, pp. 340-341). « [J]’expérimentais que j’étais une créature tout autre et que Dieu me possédait, […] m’agissant en tout ce que j’avais à faire selon mon état » (La Relation de 1654, LXI, pp. 318-319). « [C]e pays-ci est très plein de tracas, surtout en un nouvel établissement où l’on trouve tout à faire, une grande disette et diverses circonstances fort épineuses qui donnent sujet à divers travaux à ceux qui sont appelés à agir avec le prochain […] Dans les susdits emplois, mon esprit était toujours lié à cet Esprit qui me possédait pour me faire marcher et agir dans les maximes du suradorable Verbe Incarné […] sur lesquelles je roulais, ai-je dit, continuellement » (La Relation de 1654, LXI-LX, p. 314).

Ces extraits d’une suave sublimité spirituelle illustrent admirablement bien cette bienheureuse « humiliation incarnée du Souffle », « matricielle » parce que « matriciée », qui est manifeste dans la « respiration spirituelle » de Marie de l’Incarnation. Métaphoriquement, nous pourrions affirmer qu’au « cœur-poumons » de son être en communion avec Dieu en Jésus-Christ, s’articulent synergiquement « l’inspiration » de la contemplation, comme connaissance et jouissance amoureusement spirituelles et mystiques de la Parole-Vérité reçue comme un don, et « l’expiration » de sa mise en don dans et par l’action concrète, les pieds bien sur terre et en marche perpétuelle pour œuvrer à « la gloire de Dieu et au salut du monde ». Depuis l’âge de 7 ans (1607), elle a continuellement répondu aux dons-appels de Dieu à arborer, en paroles et en actes, un cœur de pauvre gonflé à plein par le Souffle de l’Esprit du Christ, consentant à tout recevoir et tout donner miséricordieusement selon la logique paradoxale de la gratuité en marche sur le chemin des Béatitudes, comme en fait foi cet extrait d’une lettre à son fils : « Cet excellent sermon de la montagne : “Bien-heureux sont les pauvres d’esprit, etc.” et celui de la Cène sont la force et le bastion des âmes à qui Dieu fait se présent. […]

Cette approche amoureuse du sacré verbe incarné porte dans l’âme une onction qui ne se peut exprimer, dans les actions une sincérité, droiture, franchise, simplicité, fuite de tout obliquitez; elle imprime dans le cœur l’amour de la croix et de ceux de qui l’on est persécuté : Elle fait sentir et expérimenter l’effet des huit béatitudes d’une manière que Dieu sçait et je ne puis dire. […] Car remarquez que plus l’âme s’approche de Dieu plus elle connoît son néant, et quoy qu’elle soit élevée à un très-haut degré d’amour, elle ne laisse pas de s’abaisser à un très profond degré d’humilité, ces deux dispositions s’accordent parfaitement ensemble, ce qui me fait connoître la vérité de cette parole de notre Seigneur, que celuy qui s’humilie sera élevé » (Lettre CXXIII, 22 octobre 1649[5]).  Ces mots d’e(E)sprit, en communion avec ceux de l’Apôtre des Gentils en Ep3, 17-19[6], se passent de commentaires pour ne point les abîmer. Puisse son témoignage nous inspirer à lui emboîter le pas et sa sainte prière, à nous porter sur le chemin qui mène à Dieu en étant bienheureux « humiliés du souffle » et « matriciels-matriciés ».

En terminant, en hommage au Pape François récemment décédé, qu’il me soit permis de citer un extrait de ses propos méditatifs des Béatitudes qui rend compte du chemin parcouru par Marie de l’Incarnation tout autant qu’il nous interpelle aujourd’hui à sa suite sur les pas du Christ Jésus dans notre propre marche : « Le disciple de Jésus est conscient que ce n’est pas Dieu qui doit entrer dans notre logique, mais nous qui devons entrer dans la sienne […] En d’autres termes, un disciple de Jésus accepte le paradoxe des Béatitudes. […] Une fois que nous avons consenti à cette logique de Dieu, le Seigneur nous révèle le vrai bonheur, qui se trouve là où nous ne pensons pas. […] Ai-je la disponibilité du disciple ? Est-ce que je me laisse “désarçonner intérieurement” par le paradoxe des Béatitudes, ou bien est-ce que je reste dans la limite de mes propres idées ? Au-delà des épreuves et des difficultés, le disciple de Jésus ressentira “la joie du cœur”, trait décisif de tous ceux qui décident de suivre le Christ[7] ».

Bénédiction et union de prière !

Dany Charland – danycharland173@gmail.com


[1] Béatifiée sous le pontificat de Jean-Paul II en 1980 et canonisée sous le pontificat de François en 2014.

[2] Carl Bergeron, La grande Marie ou le luxe de la sainteté, Montréal, Médiaspaul, 2021, p. 51 in : Blogue de Jacques Gauthier, « Marie de l’Incarnation et le sens du mystère » [En ligne] https://www.jacquesgauthier.com/component/easyblog/entry/marie-de-l-incarnation-et-le-sens-du-mystere.html?Itemid=136 (page consultée le 18 avril 2025).

[3] Pape Francois : “un disciple de Jésus accepte le paradoxe des Béatitudes”. Propos recueillis par Claire Riobé, [En ligne] https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2022-02/angelus-le-disciple-de-jesus-accepte-le-paradoxe-des-beatitudes.html (page consultée le 21 avril 2025).

[4] Écrits spirituels et historiques, Tome II, textes établis par Dom A. Jamet, Les Ursuline de Québec, 1985, pp. 314-315. Dorénavant, nous indiquerons la pagination dans le corps du texte.

[5]Correspondance, textes établis par Dom G. Oury, Abbaye Saint-Pierre, Solesmes, 1971, pp. 376-377. Pour ceux et celles désirant aller plus loin, notre intéressée énumère 12 traductions pratiques dans sa vie des « maximes » se rapportant à l’e(E)sprit des Béatitudes (cf. Lettre CXIII, à son fils, 7 septembre 1648, p. 342.)

[6] « [Q]ue le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi, vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu ».

[7] Pape François, op. cit. 




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